L'obligation pesant sur le maître d'œuvre d'informer le maître d'ouvrage

Par Jessica Serrano Bentchich

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En cours d’exécution d’un marché, une réglementation nouvelle peut imposer des modifications du projet. Selon l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai, il appartient aux intervenants à l’acte de construire, en principe à la maîtrise d’œuvre, d’alerter le maître d’ouvrage de cette nouvelle réglementation, de l’informer des modifications techniques indispensables pour assurer la conformité de l’ouvrage à ladite réglementation et de solliciter la conclusion d’un avenant.

(CAA Douai, 4 oct. 2018, no17DA00437 e. a.)

L’opération de travaux de la commune de Rouvroy portait sur la construction d’un foyer rural. La commune a émis une réserve lors de la réception de l’ouvrage portant sur la pompe à chaleur.

Constatant des dysfonctionnements du système de chauffage, elle a demandé la désignation d’un expert via un référé expertise et engagé un recours indemnitaire à l’encontre des intervenants à l’acte de construire visant à ce que ces derniers lui versent le montant des travaux de reprise du système de chauffage.

Par un jugement du 27 décembre 2016, le tribunal administratif a estimé notamment que le groupement de maîtrise d'œuvre devait engager sa responsabilité contractuelle à l’égard du maître d’ouvrage. La cour administrative d’appel confirme que le groupement de maîtrise d’œuvre a méconnu ses obligations contractuelles.  

D’après cet arrêt, les obligations qui pèsent sur le maître d’œuvre sont les suivantes : une obligation d’alerter et de conseiller le maître d’ouvrage lorsqu’une nouvelle réglementation est applicable à son projet, ce qui implique en amont, une obligation de se tenir informé de l’évolution de la réglementation : « 5. À la date de la conclusion du marché de maîtrise d'œuvre, soit le 12 avril 2006, le décret no 2006-592 du 24 mai 2006 relatif aux caractéristiques techniques et à la performance énergétique des constructions, qui a modifié le Code de la construction et de l'habitation, ainsi que son arrêté d'application du même jour, n'étaient pas encore en vigueur. Ce décret dispose, toutefois, que la règlementation thermique qu'il impose est applicable à toutes les constructions faisant l'objet d'un dépôt de permis de construire à compter du 1er septembre 2006. Dès lors que le contrat de maîtrise d'œuvre était en cours d'exécution à la date de publication du décret et que le permis de construire du foyer rural ne pouvait être déposé que postérieurement au 1er septembre 2006, il appartenait à tout le moins au groupement de maîtrise d'œuvre d'alerter le maître d'ouvrage du risque de non-conformité du bâtiment à la nouvelle réglementation et de lui proposer la signature d'un avenant afin de modifier le projet en ce sens. Il est constant que le groupement de maîtrise d'œuvre n'a pas tenu compte de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation thermique. Il a, dès lors, manqué à l'obligation de conseil qui lui incombait. »

En pratique, cette décision rappelle la nécessité pour les intervenants à l’acte de construire de procéder à une veille réglementaire.

Dès lors qu’une nouvelle réglementation est applicable au projet en cours de réalisation, il est important d’informer par écrit le maître d’ouvrage en lui indiquant notamment les modifications techniques qui en résultent.

Parfois, par sécurité, les maîtres d’ouvrage rappellent ces obligations dans leur cahier des charges. Pour exemple : « Le titulaire devra se tenir informé de l’évolution de la législation, de la réglementation et de l’homologation des normes. En cas d’évolution des textes applicables aux prestations pendant le déroulement du marché, le titulaire doit en informer aussitôt par écrit le maître d’ouvrage pour convenir avec lui de la prise en compte technique et/ou financière ou non de cette évolution, sinon il y a forclusion dans un délai d’un mois à compter de l’entrée en vigueur des dispositions concernées ».