Droit de regard sur un marché de substitution ne veut pas dire se substituer à ses obligations

Par Stéphane Rabillard

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En cas de résiliation aux frais et risques du titulaire, le CCAG Travaux 2009, comme son ancêtre de 1976, prévoit la possibilité de conclure un marché de substitution avec un autre entrepreneur. Dans une décision du 9 Juin 2017, le Conseil d’État vient de rappeler que si l’entrepreneur en faute a un droit de regard sur la substitution, celui-ci n’est valable qu’en cas de respect de certaines obligations.

Par décision du 7 septembre 2009, la municipalité de Cannes décide d’attribuer un marché de travaux portant sur la réalisation d’une digue sous-marine en tubes géotextiles, à la société EMCC (Entreprise Morillon Corvol Courbot). Lors d’une visite de chantier en avril 2010, il est constaté des malfaçons et des retards dans l’exécution. En mai 2010, une tempête vient détruire les ouvrages déjà réalisés, que l’entreprise ne remet pas en état malgré les demandes de la mairie.

Face à ces désordres constatés, la municipalité de Cannes décide de résilier le marché aux torts de l’entreprise EMCC, par décision du 22 octobre 2010. Un nouveau marché est alors signé avec la société Trasomar afin de déposer le tronçon de digue abimé pendant la tempête. Un marché de substitution est également signé afin d’assurer la continuité du chantier non terminé par l’entreprise EMCC. Cette dernière demande alors l’annulation du marché auprès du tribunal administratif de Nice, compétent en la matière.

En parallèle, la mairie de Cannes notifie à l’entreprise le décompte général, d’un montant de 1 922 413,66 € TTC au crédit de la commune. Par jugement du 7 février 2014, le tribunal administratif de Nice rejette la demande d’annulation de l’entreprise EMCC, et la condamne au versement de la somme en question. La société EMCC interjette alors appel auprès de la cour administrative d’appel de Marseille, qui, par un arrêt du 21 mars 2016 rejette les motifs déposés par l’entreprise. L’entreprise EMCC se pourvoit contre cet arrêt devant le Conseil d’État, reprochant à la cour administrative d’appel de Marseille, notamment, de ne pas avoir répondu sur la méconnaissance, par la commune, des dispositions du CCAG Travaux relatives au droit d’exercer, pour une entreprise ayant fait l’objet d’une résiliation, un droit de regard sur les travaux réalisés par l’entreprise se subsistant à elle (ici l’entreprise Trasomar).

Par décision du Conseil d’État en date du 9 juin 2017, le pourvoi de l’entreprise EMCC est rejeté. Le Conseil d’État indique ainsi que l'article 49.5 du CCAG Travaux en vigueur à l’époque des faits (CCAG 1976) prévoit que « l’entrepreneur dont le marché est résilié à ses frais et risques doit être mis à même d’user du droit de suivre les opérations exécutées par un nouvel entrepreneur dans le cadre d’un marché de substitution » ; ce droit de suivi doit permettre « la sauvegarde de ses intérêts » et «  les montants découlant des surcoûts […] étant à sa charge ».

En revanche, le Conseil d’État précise que « lorsque l’entrepreneur dont le marché est résilié n’a pas exécuté les mesures de conservation et de sécurité prescrites par le pouvoir adjudicateur dans les conditions fixées par les stipulations de l’article 46 du CCAG Travaux, mesures qui peuvent comprendre la démolition des ouvrages réalisés », il ne dispose pas « du droit de suivre l’exécution d’office de ces mesures ».

Selon le Conseil d’État, le décompte général « n’incluait aucune somme correspondant au marché de substitution conclu avec la société Trasomar pour réaliser la mise en place de la digue sous-marine ; que, dans ces conditions, le moyen soulevé par la société EMCC devant la cour administrative d’appel de Marseille, tiré de ce que la commune de Cannes aurait méconnu son droit de suivre l’exécution du marché de substitution et du marché de dépose du tronçon n° 1 de la digue conclus avec la société Trasomar, était inopérant ». La cour administrative était donc parfaitement fondée à rejeter la demande de l’entreprise EMCC.

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