Tour d’horizon des textes officiels venant impacter les marchés publics depuis l’ordonnance du 23 juillet 2015

Par Laurent Chomard

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L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, est entrée en application le 1er avril 2016, date d’entrée en vigueur du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics complétant l’ordonnance. Ce nouveau droit des marchés publics est venu remplacer le corpus réglementaire issu du Code des marchés publics, institué par le décret du 1er août 2006. 

Or tant l’ordonnance que le décret prévoient, pour certaines de leurs dispositions, que celles-ci soient complétées ou précisées par un texte réglementaire. Ce qui avait été partiellement fait jusqu’ici. À cela s’ajoute déjà des modifications aux textes initiaux d’avril 2016 tant lors de la ratification de l’ordonnance que par diverses lois périphériques ainsi même que par un premier décret modificatif de la commande publique d’avril 2017.

La période estivale est l’occasion de faire le point sur les textes officiels régissant les marchés publics.

Nous aborderons tout d’abord les textes réglementaires d’application de l’ordonnance et du décret  n° 2016-360, les derniers en date étant d’avril 2017, puis les modifications d’origine législative ou réglementaire ayant déjà affectées, ce droit des marchés publics tout neuf.

I. Les textes d’application : arrêtés et avis

À titre préliminaire, soulignons que pour la première fois, le droit des marchés publics voit apparaître des textes d'application prenant la forme d'avis, au lieu de circulaire ou d'instruction. À savoir que de la même façon, l'avis n’a pas la valeur réglementaire d’un arrêté. C’est l’ordonnance ou le décret lui-même qui pose la forme de l’acte exigée. Ainsi, la simple évocation d'une publication « dont la liste est publiée au Journal officiel de la République française » (voir art. 5 de l’ordonnance) a pris la forme d’un avis publié au Journal officiel. En revanche, dans certains cas, les textes exigent l’arrêté « figurant sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l'économie » (voir art. 50 du décret marchés publics).

Très rapidement, suite à l’entrée en vigueur de la réforme en avril 2016, ont suivi les arrêtés et avis d’application suivants :

  • l’arrêté du 25 mai 2016 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l'attribution de marchés publics complétant ainsi l’article 45 de l’ordonnance marchés publics [OMP] et 51 du décret relatif aux marchés publics [DMP] ;
  • l’arrêté du 29 mars 2016 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics précisant l’article 50 du DMP ;
  • l’avis relatif à la liste des activités qui sont des travaux en droit de la commande publique précisant l’article 5 de l’OMP ;
  • l’avis relatif à la nature et au contenu des spécifications techniques dans les marchés publics précisant l’article 6 du DMP ;
  • l’avis relatif aux contrats de la commande publique ayant pour objet des services sociaux et autres services spécifiques complétant l’article 37 de l’OMP et précisant l’article 28 du DMP ;
  • l’avis relatif aux seuils de procédure et à la liste des autorités publiques centrales en droit de la commande publique complétant ainsi l’article 42 de l’OMP établissant la distinction entre procédures formalisés et procédure adaptée et les articles 31-II, 70-1, 72-II et 83-II du DMP sur la définition des autorités publiques centrales ;
  • l’avis relatif à la liste des dispositions internationales en matière de droit environnemental, social et du travail permettant de rejeter une offre comme anormalement basse en matière de marchés publics visé par l’article 53 de l’OMP mais précisant surtout l’article 60 du DMP.

À noter l’article 41-III qui traite des copies de sauvegardes et l’article  42-I des dispositifs de communication électronique renvoient à des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'Économie. Celui-ci, pour l’instant est réglé par l’arrêté du 14 décembre 2009 relatif à la dématérialisation des procédures de passation des marchés publics. De même pour le texte réglementaire évoqué à l’article 102 du décret sur la signature électronique des marchés publics qui, par défaut de nouveau texte, est toujours l’arrêté du 15 juin 2012.  

Enfin, le 27 avril 2017 sont parus les deux arrêtés attendus relatifs à la dématérialisation. L’un évoqué par l’article 31 du décret « qui détermine les fonctionnalités et les exigences minimales qui s'imposent aux profils d'acheteur ». L’autre sur l’obligation d’open data portée par l’article 107-II du décret relatif aux marchés publics ou accès aux données essentielles des marchés publics sur ce même profil d’acheteur. Arrêtés qui rentreront en application le 1er octobre 2018, soit la date de mise en œuvre de l’obligation d’open data.

Avec ces derniers textes, l’acheteur public dispose, un an après le début de la réforme, de l’ensemble du corpus juridique applicable.

II. Les modifications affectant l’ordonnance

La première modification de l’ordonnance résulte de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Son article 26-IV pose de nouvelles interdiction de soumissionner obligatoires  pour les marchés de défense ou de sécurité en insérant au 1° de l'article 46 de l’OMP la référence aux infractions 222-52 à 222-59 du Code pénal sur la détention, le marquage et le transport illégaux d’armes. Ces infractions n’ont été ajoutées qu’aux interdictions de soumissionner obligatoires propres aux marchés publics de défense ou de sécurité, car elles visent en particulier les fabricants d’armes.

Un mois plus tard, la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (loi CAP) modifie à son tour l’ordonnance par son article 91 et y ajoute l’article 35 bis sur l'obligation d'identifier une équipe de maîtrise d'œuvre dans le cadre d'un marché public global, ceci comprenant les marchés de conception-réalisation (qui permettent à une entreprise de travaux de réaliser la conception d’un ouvrage), les marchés publics globaux de performance (qui rajoutent l'exploitation ou la maintenance à la conception-réalisation) et les marchés publics globaux sectoriels (permettant sans conditions de réaliser les deux formes de marchés précités dans certains secteurs d’activités).

Cet article 35 bis prévoit en outre que : « Pour les ouvrages de bâtiment, la mission confiée à l'équipe de maîtrise d'œuvre est définie par voie réglementaire. » Cela sera chose faite par le décret n° 2017-842 du 5 mai 2017, paru au JO du 7 mai 2017.

Le 9 décembre 2016 est ratifié l’ordonnance relative aux marchés publics par l'article 39 de la loi n° 2016-1691, dite loi Sapin II, tout en l’amendant sur certains points.

L’article 32 de l’ordonnance marchés publics permettait la présentation d’offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus, cette possibilité qui avantageait les grandes majors du bâtiment au détriment des PME est supprimée. Le législateur va même définir de façon précise l’obligation de motivation incombant à l’acheteur décidant de ne pas allotir un marché public, sans renvoyer à un texte réglementaire, comme initialement ; d’autant que l’article 12 du décret n° 2016-630 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics précisant ce point se limite à indiquer les documents dans lesquels cette motivation doit figurer. 

L’article 40 de l’ordonnance – qui prévoyait l’obligation de réaliser une évaluation préalable du mode de réalisation du projet lorsque celui-ci est supérieur à 100 millions d'euros hors taxes – est supprimé en cas de recours à un marché public courants mais l’obligation est maintenue à l’article 74 pour les marchés de partenariat (ex : Partenariat Public Privé).

Enfin, l’article 39-II-3 de la loi Sapin II complète l’article 45 de l'ordonnance marchés publics en ajoutant que « L'acheteur accepte, comme preuve suffisante attestant que le candidat ne se trouve pas dans un cas d'interdiction de soumissionner mentionné aux 1° et aux a et c du 4° du présent article, une déclaration sur l'honneur ». Cela permet de ne plus demander ou vérifier l’extrait du casier judiciaire du candidat retenu prévu par l’article 51 al. 1 du décret n° 2016-360.

À noter que l’article 38 de la même loi Sapin II autorise le gouvernement à « procéder par voie d’ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, à l’adoption de la partie législative du Code de la commande publique ». Rendez-vous est donc donné pour le 10 décembre 2018.

Le 27 janvier 2017, l’article 213 de la loi n° 2017-86 relative à l'égalité et à la citoyenneté modifie l'article 38 de l'ordonnance. Cet article 38 permet aux acheteurs publics d’insérer des conditions d’exécution d’ordre social ou environnemental dans la mesure où celles-ci sont liées à l'objet du marché, le rajout au premier alinéa du I de l’article 38 permet de « prendre en compte [dans les conditions d’exécution] la politique menée par l'entreprise en matière de lutte contre les discriminations » sans pour autant que celles-ci soient liées à l'objet du marché.

Enfin, la dernière retouche de l’ordonnance nous vient de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain qui, par son article 64, rajoute un 9e cas aux marchés publics globaux sectoriels de l’article 35 de l’ordonnance, c'est-à-dire, un marché de conception-réalisation, dérogeant ainsi un peu plus aux dispositions de la loi MOP du 12 juillet 1985 qui oblige à séparer contrat de maîtrise d’œuvre de contrats de travaux. Ce nouveau cas vise « la construction et l'aménagement des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris ou des infrastructures de transport public dont la maîtrise d'ouvrage est confiée à la Société du Grand Paris ».

III. Les modifications affectant le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics

Toutes les modifications concernant le décret relatif aux marchés publics résultent du décret n° 2017-516 du 10 avril 2017 portant diverses dispositions en matière de commande publique. Comme pour l’ordonnance marchés publics, ce décret modificatif a été rendu nécessaire suite à l’adoption de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (CAP), ainsi que la loi du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II.

Suite à la loi Sapin II modifiant l’ordonnance sur ces points, le décret n° 2017-516 modifie les articles 51 et 55 du décret marchés publics afin de tenir compte de la suppression de l’obligation faite au candidat de produire un extrait de casier judiciaire et abroge  l’article 24 sur l’obligation de réaliser une évaluation préalable du mode de réalisation du projet lorsque celui-ci est supérieur à 100 millions d'euros hors taxes en ce qui concerne les marchés n’étant pas des marchés de partenariat.

De même, pour faire suite à la loi CAP du 7 juillet 2016, l’obligation de concours en maîtrise d’œuvre est étendue aux offices publics de l’habitat par la modification de l’article 90-II du décret.

De plus, afin d’alléger les démarches des acheteurs, ce décret instaure notamment un seuil de 25 000 euros en-deçà duquel les acheteurs ne seront pas soumis aux obligations relatives à l’open data prévues à l'article 107 du décret n° 2016-360.

À noter aussi dernièrement que le décret n° 2017-925 du 9 mai 2017 est venu toiletter le Code du patrimoine au sujet de l’archéologie préventive. Il met à jour les visas qui renvoyaient à la réglementation des marchés publics (suppression de la mention Code des marchés publics et ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 et remplacement par celui de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015).

Sources :