Tafta et marchés publics

Par Laurent Chomard

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Pour celui qui s’intéresse aux questions agitant le monde politique, les négociations en cours sur le TAFTA  (Trans-Atlantic Free Trade Agreement) ou Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP) sont un sujet sensible donnant lieu à polémiques. Il nous semble opportun d’apporter ici des éléments d’information sur le volet marchés publics de l’accord, actuellement en discussion. Dans un premier temps, nous expliquerons pourquoi les marchés publics sont concernés par l’accord de libre échange entre l’Europe et les États-Unis et dans un deuxième temps, quels sont les objectifs de la Commission en matière de marchés publics qui négocie actuellement le traité au nom des États membres.

I. Pourquoi un volet marchés publics ?

L’Union européenne (UE) a souhaité inclure un volet marchés publics à l’accord de libre-échange en cours de discussion.L'UE veut établir des règles claires pour s’assurer que les entreprises européennes et américaines bénéficient d'un accès et d’un traitement égal et non discriminatoire sur leurs marchés publics respectifs. Les règles européennes relatives aux marchés publics sont appliquées de manière claire et en toute transparence à la fois aux marchés publics d’envergure européenne ou nationale. À ce titre, les engagements européens sont ancrés dans l'Accord international sur les marchés publics (AMP) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).Cette situation n’est pas entièrement réciproque aux États-Unis dans la mesure où l'AMP ne s’applique qu’aux contrats de niveau fédéral : ainsi, pour les États-Unis, les General Notes de l’appendice 1 à l’AMP prévoient que l’accord ne s’applique pas aux marchés réservés aux petites et moyennes entreprises (dans le cadre du Small Business Act).Dès 1933, le législateur américain réduit les possibilités de recours à l’export grâce au Buy American Act, auquel vint s’ajouter le dispositif du Small Business Act de 1953, qui vise à aider les PME américaines dans le cadre des marchés publics américains. L’agence de régulation du même nom (Small Business Administration) assure annuellement l’accès des PME américaines aux marchés publics en fixant à chaque administration des objectifs à atteindre, en général autour de 20 % d’attribution des marchés aux PME.En outre, quatre dispositions complètent le dispositif. Il s’agit de réserver aux PME les marchés aux faibles montants (moins de 100 000 US$),  les marchés pour lesquels au moins deux PME peuvent proposer une offre satisfaisante, une partie des grands contrats et, pour les plus gros contrats, obliger les grandes entreprises à proposer un plan de sous-traitance aux PME.Récemment, d’autres textes normatifs sont venus réduire l’ouverture des marchés publics. Le dernier en date est issu de l’immense plan de relance de l’économie américaine de mars 2009 : le Buy American Recovery and Reinvestment Act qui inclut des dispositions de type Buy American accentuées. En substance, le texte impose aux sociétés qui disposent d’un soutien fédéral de ne pas faire appel à un agent économique extérieur à la fédération. Plus précisément, pour les travaux d’infrastructures, les achats d’acier doivent être passés auprès de fabricants américains. D’abord cantonné au secteur sidérurgique, le plan a été étendu à tous les projets d’infrastructures.

II. Les objectifs affichés de la Commission

L’UE cherche à rétablir l’équilibre dans l’accès à la commande publique, et cela explique que, sans attendre cet accord, elle ait introduit une forme de réciprocité dans sa dernière directive sur les marchés publics.  En effet, l’article 25 de la Directive 2014/24 prévoit que : « Dans la mesure où les annexes 1, 2, 4 et 5 et les notes générales relatives à l’Union européenne de l’appendice I de l’AMP ainsi que d’autres conventions internationales liant l’Union européenne le prévoient, les pouvoirs adjudicateurs accordent aux travaux, aux fournitures, aux services et aux opérateurs économiques des signataires de ces conventions un traitement non moins favorable que celui accordé aux travaux, aux fournitures, aux services et aux opérateurs économiques de l’Union. »Mais, dans le seul cadre  des négociations sur le TTIP,  la direction générale du Commerce de la Commission européenne vise, comme elle l’indique dans sa fiche de communication sur le sujet, à « convenir de règles écartant toute discrimination à l’égard des entreprises européennes ou américaines qui participent à un marché public de l’autre partie ». Remplir cet objectif passe par la fixation des règles permettant d’optimiser la transparence des procédures de marchés publics afin que les entreprises européennes et américaines soient mieux informées des possibilités outre‑Atlantique.Cela passe également par la recherche de la maximisation des opportunités, pour les entreprises européennes et américaines, de participer à des marchés publics à tous les niveaux de l’administration (central/infracentral, fédéral/infrafédéral), sans subir aucune discrimination.Source