L’enjeu PME

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Le thème de la petite et moyenne entreprise (PME) est au carrefour des problématiques qui agitent l’achat public tant au niveau national qu’international. Après avoir défini ce qu’est une PME, nous constaterons que derrière une volonté affichée d’aider ces structures, les pouvoirs publics, pour des raisons budgétaires immédiates couplées à la volonté d’une relance par l’investissement en infrastructures, promeuvent des contrats globaux qui risquent de pénaliser les PME.

I. Les circonvolutions de la définition des PME

La PME, une entité mouvante ? Ce n’est plus le cas, depuis la recommandation de la Commission européenne du 6 mai 2003 qui prévoit que : « La catégorie des micro, petites et moyennes entreprises est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros ». Cette définition est, depuis 2009, celle du droit français. L’article 48-II du Code des marchés publics dispose que : « Dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation, le pouvoir adjudicateur peut demander aux candidats d'indiquer dans leur offre la part du marché qu'ils ont l'intention de sous-traiter à des tiers, notamment à des petites et moyennes entreprises telles que définies par l'article 8 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, ou à des artisans ». L’article 8 de l'ordonnance n° 2004-559, modifié en 2008, indique que : « La définition des petites et moyennes entreprises est fixée par voie réglementaire ». Or, selon le décret n° 2009-245 du 2 mars 2009, « constituent des petites et moyennes entreprises […] les entreprises définies comme petites et moyennes par la recommandation de la Commission n° 2003/361/CE du 6 mai 2003 ». La boucle étant désormais bouclée, le Gouvernement pourrait envisager, à l’occasion du toilettage du Code des marchés publics, prévu au printemps, d’en profiter pour remplacer le renvoi inutile fait par l’article 48 du CMP à l'article 8 de l'ordonnance n° 2004-559 et lui préférer un renvoi vers la recommandation de la Commission européenne. Ceci dit, et c’est peut-être la raison pour laquelle cette modification n’a jamais été effectuée, le Gouvernement aimerait une définition plus large des PME permettant d’y inclure une entreprise de 500 personnes avec un chiffre d’affaires de moins de 100 millions d’euros (voir les propositions de la France pour un SBA européen).

II. Une volonté politique affichée d’aider les PME

La France et la Commission européenne affichent la même volonté d’aider les PME, celles-ci étant considérées comme les véritables créatrices d’emplois, « au cœur d’une croissance à retrouver » selon le rapport du sénateur Bruno Retailleau remis au Premier ministre en février 2010. À l’unisson, le rapport sur la mise en œuvre du Small Business Act (SBA) pour l’Europe précisait en introduction que « le bien-être des petites et moyennes entreprises est essentiel pour l’avenir de l’emploi et de la prospérité dans l’Union européenne ». En France, les plans et les mesures en faveur des PME se suivent : article 26 de la loi de modernisation de l'économie d'août 2008 qui vise à faciliter l'accès des PME innovantes à une partie des marchés publics et son décret d’application du 18 février 2009, plan de soutien financier aux PME, plan de simplifications administratives à destination des PME, etc.De son côté, l’Europe a adopté en juin 2008 le Small Business Act (SBA) pour l’Europe ou « think Small first ». Ce document établit pour la première fois un cadre politique global pour l'Union européenne et ses États membres sans toutefois aller jusqu’à instaurer un droit de préférence aux PME pour l’attribution de « petits marchés », comme le font les États-Unis avec leur propre Small Business Act. Notre Small Business Act (SBA) pour l’Europe s’est concrétisé par un Code européen des bonnes pratiques facilitant l’accès des PME aux marchés publics.

III. Les réformes en cours

De l’absence de discrimination positive pour les PME…La Commission vient de lancer une consultation pour modifier les directives européennes par le biais d’un livre vert, Sur la modernisation de la politique de l’Union européenne en matière de marchés publics, où sont ébauchées les grandes lignes réformatrices. Telle aurait pu être l’occasion de proposer que les pouvoirs adjudicateurs puissent réserver l’accès des petits marchés aux PME, dispositif hier écarté dans le SBA européen au nom de l’accord sur les marchés publics (AMP), argument devenu caduc, des négociations étant en cours pour procéder à sa révision. Bien au contraire, au point 3.1 du livre vert sur « l’amélioration de l’accès des PME et des start-up aux marchés publics », il est écrit que : « Des parties concernées ont aussi parfois proposé l'adoption de mesures de discrimination positive en faveur des PME (par exemple, la fixation à l'avance de quotas de marchés publics qui leur seraient exclusivement réservés). Contrairement à certains de ses partenaires commerciaux qui ont adopté ce type de mesure, l'Union européenne n'est pas favorable à l'idée de réserver des marchés à des entreprises particulières. Qui plus est, ces mesures seraient contraires au principe de l'égalité de traitement des soumissionnaires, pilier fondamental du régime européen des marchés publics reconnu par la Cour de justice comme l'une des libertés fondatrices du traité ». En effet, depuis longtemps, la Commission est réticente à une telle mesure, vue comme du « protectionnisme ». Cependant, les États réagissent. Les ministres des Affaires européennes de la France, de la Pologne, de l’Allemagne, de l’Espagne, du Portugal et de l’Italie ayant plaidé mercredi 16 février 2011 pour une Europe « moins naïve » en matière de marchés publics dans le cadre des négociations de l’AMP. Ils soulignent que « l'Union a ouvert plus de 80 % de ses marchés publics aux pays tiers, alors que les autres grandes économies développées n'ont ouvert les leurs qu'à 20 %. Et la plupart des pays émergents n'ont pris que peu ou aucun engagement en la matière avec l'Europe ». … à la discrimination négative à l’égard des PMEEn attendant d’hypothétiques marchés réservés aux PME, celles-ci sont attaquées par la promotion, émanant tant des autorités nationales qu’européennes, des partenariats public-privé (PPP) ou contrats de partenariat au nom des besoins en infrastructure de l’Europe. Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur, déclarait dernièrement que : « Nous devons faire plus pour valoriser le développement des partenariats public-privé en Europe. Notre continent a besoin d’investissements, il a besoin d’infrastructures (…). Nous devons notamment mieux utiliser les fonds régionaux comme un levier pour de grands projets public-privé » (déclaration de Michel Barnier in La lettre du secteur public du 21 janvier 2011).En effet, le PPP est un « contrat global qui permet à une collectivité publique de confier à une entreprise la mission globale de financer, concevoir tout ou partie, construire, maintenir et gérer des ouvrages ou des équipements publics et services concourant aux missions de service public de l’administration, dans un cadre de longue durée et contre un paiement effectué par la personne publique et étalé dans le temps » (site spécialisé du ministère de l’Économie sur les contrats de partenariat). Le Syndicat national des entreprises de second œuvre du bâtiment (SNSO) s’insurge contre ce dispositif qui élimine de la commande publique les PME, sauf à accepter le pis-aller de la sous-traitance (lire l’éditorial du bulletin du SNSO de décembre 2010). Même si le PPP est devenu officiellement une dette depuis l’arrêté du 16 décembre 2010, ce qui devrait limiter son attrait pour les collectivités territoriales, le Gouvernement s’apprête, dans le cadre de la réforme envisagée du Code des marchés publics, à installer deux nouveaux contrats globaux au sein même des marchés publics : les marchés de « réalisation-exploitation-maintenance » et les marchés de « conception-réalisation-exploitation-maintenance ». Or, si les contrats globaux, même limités aux domaines de la construction, deviennent la règle dans la commande publique, c’est, finalement, une discrimination négative à l’égard des PME qui est instituée. Sources :