Le contrôleur technique

Par Laurent Chomard

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Socotec, Veritas, Apave, Norisko, Qualiconsult, les cinq grands du contrôle technique sont omniprésents sur les panneaux de chantier en France. Le contrôleur technique fait en effet partie des professionnels de la construction, au même titre que le maître d’œuvre et le coordonnateur de sécurité et de protection de la santé. L’intervention du contrôleur technique est d’ailleurs la plupart du temps obligatoire pour le maître d’ouvrage public. Mais quel est précisément son rôle ? Quand son intervention est-elle obligatoire ? Ces deux points seront abordés dans un premier temps. Puis seront abordés les modalités de sa mise en concurrence dans une procédure de consultation ainsi que le contenu des missions à prévoir dans un marché public.

PARTIE 1

I. Le rôle du contrôleur technique

Le contrôleur technique de la construction a pour mission de prévenir les défaillances techniques susceptibles d'entraîner des sinistres et de vérifier le respect des règles de l'art en matière de construction. De façon triviale, on pourrait dire que le bureau d’études du contrôleur technique est chargé de vérifier les calculs de l’architecte afin de s’assurer de la solidité de l’ouvrage à construire. C’est pourquoi, si cette mission a été initialement réalisée pour le compte des assureurs dans le cadre d’une normalisation du risque, elle a finalement été consacrée par la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 dite « Spinetta », et a été rendue obligatoire pour les maîtres d’ouvrage publics lorsque ceux-ci, par exemple, construisent un établissement devant recevoir du public, comme une école ou une piscine. En application de l’article 9 de la loi Spinetta, aujourd’hui repris à l’article L. 111-24 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), le contrôleur technique est considéré comme « constructeur d’ouvrage » ou du moins intervenant à la construction. Il est par conséquent soumis à la présomption de responsabilité décennale édictée par les articles 1792 et suivants du Code civil. Cela signifie que le maître d’ouvrage public, au surplus de l’attestation de responsabilité professionnelle, doit demander au contrôleur technique son attestation d’assurance de responsabilité civile décennale. Cependant, la responsabilité décennale du contrôleur technique est limitée à concurrence des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage.

II. Les opérations de travaux pour lesquelles le contrôle technique est obligatoire

L’article R. 111-38 du CCH définit les opérations de construction pour lesquelles le contrôle technique est obligatoire :

  • les Établissements recevant du public (ERP) du 1er groupe (catégories 1 à 4 définies à l’article R. 123-19 du CCH) ; le CCH définit les ERP en précisant qu’il s’agit de « tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non ». Le 2e groupe non concerné par l’obligation de contrôle technique est constitué des établissements de 5e catégorie, dans lesquels l'effectif du public (c’est-à-dire sans compter le personnel) n'atteint pas le chiffre minimum prévu par le règlement de sécurité fixé pour chaque type d'exploitation ;
  • lors de la construction des Immeubles de grande hauteur (IGH), c’est-à-dire les immeubles dont le plancher bas du dernier niveau est situé à plus de 28 mètres par rapport au niveau du sol le plus haut utilisable par les engins des services publics de secours et de lutte contre l'incendie ;
  • certains bâtiments présentant des particularités architecturales à risques (porte à faux, arc de portée ou parties enterrées importantes, etc.).

Depuis le 1er octobre 2008, l'obligation de recourir au contrôle technique a été étendue dans les zones de sismicité II et III à tous les immeubles dont le plancher bas du dernier niveau est situé à plus de 8 mètres du sol, les bâtiments des établissements de santé en zone de sismicité et les éoliennes de plus de 12 mètres. Suite au décret n° 2010-1254 du 24 octobre dernier, à compter du 1er mai 2011, la réglementation sur les zones de sismicité change. Les zones de sismicité II et III deviennent les zones de sismicité 4 et 5, définies par l’article R. 563-4 du Code de l’environnement. 

À noter que l'article R. 111-42 du Code de la construction et de l’habitat prévoit une peine d'amende pour le maître d'ouvrage ou son mandataire qui aura entrepris ou poursuivi des travaux sans avoir fait procéder au contrôle technique dans le cas où celui-ci est obligatoire.

PARTIE 2

La loi du 4 janvier 1978, désormais inscrite dans le Code de la construction et de l’habitation (CCH), précise les règles d’exercice de la profession de contrôleur technique qui impactent les modalités de sa mise en concurrence (I). S’ajoute à ces dispositions un cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de contrôle technique qui réglemente très précisément ses missions (II).

I. La mise en concurrence des contrôleurs techniques

Les qualifications professionnelles à exiger du contrôleur technique

Le contrôle technique est une profession réglementée par le CCH. En vertu de l’article L. 111-25, l'activité de contrôle technique est soumise à agrément. Cet agrément est régi par les articles R. 111-29 à R. 111-37 du même code. Il est délivré pour une période de cinq ans au vu des qualifications professionnelles listées à l’article R*. 111-32-2 du CCH. Aussi, depuis l’ordonnance n° 2008-507 du 30 mai 2008 portant transposition de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, l’article L. 111-25 dispose qu’un ressortissant d'un État de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen légalement établi dans un de ces États pour y exercer cette activité peut, après vérification de ses qualifications professionnelles, exercer en France une activité de contrôle technique à titre temporaire ou occasionnel. L’article poursuit en indiquant que lorsqu'il effectue pour la première fois une prestation en France, le ressortissant mentionné au second alinéa doit en informer au préalable l'autorité administrative par une déclaration permettant d'apporter la preuve de ses qualifications professionnelles. Si, dans l'État où il est légalement établi, ni l'activité de contrôle technique ni la formation y conduisant ne sont réglementées, il doit avoir exercé cette activité pendant au moins deux ans dans cet État au cours des dix années qui précèdent la prestation. Pour résumer, la condition d’agrément ne peut être exigée d’un candidat étranger, dans le cadre de la libre prestation de service établie par le droit européen, à condition de respecter les dispositions de l’article L. 111-25.

Les incompatibilités d’exercice

L’article L. 111-25 du CCH impose aussi au contrôleur technique d’être indépendant, facteur essentiel de sa capacité à conseiller le maître d’ouvrage en toute rigueur sans subir aucune influence de la part des intervenants en conception (architectes, ingénieurs) ou en construction. S’ensuivent certaines incompatibilités. Ainsi le contrôle technique ne peut-il être confié à la maîtrise d’œuvre. Cependant, est-il possible pour le contrôleur technique de se voir confier une mission de coordination SSI (systèmes de sécurité incendie), de SPS (sécurité et protection de la santé) ou de diagnostics techniques sur des bâtiments existants ? 

  • La mission de coordination SSI a été jugée par l’administration incompatible avec l’activité de contrôle technique dans la mesure où elle est bien une mission de conception pouvant d’ailleurs être dévolue à un maître d’œuvre.
  • L’article R. 4532-19 du Code du travail énonce par ailleurs qu’un coordonnateur SPS ne peut pas être chargé de la fonction de contrôleur technique prévue à l'article L. 111-23 du CCH dans le cadre d'une même opération de bâtiment ou de génie civil.
  • Jusqu’à la décision du Conseil d’État n° 336418 du 18 juin 2010, il était admis qu’une mission de diagnostic, à la condition qu’elle ne comporte pas de prescription de travaux, pouvait être exercée par un organisme de contrôle technique ainsi que toute mission d’assistance à un maître d’ouvrage pour apprécier la qualité du bâti d’un immeuble existant (voir le rapport du conseil général des Ponts et Chaussées de juillet 2004 sur les contrôleurs techniques). Par cette décision du 18 juin 2010, le Conseil d’État interprète de façon stricte la prohibition de toute participation des personnes physiques ou morales agréées au titre du contrôle technique d’un ouvrage à des activités de conception, d’exécution ou d’expertise d’ouvrage.

II. Le contrat de contrôle technique : des missions réglementées

Le décret n° 99-443 du 28 mai 1999 fixe le cahier des clauses techniques générales applicables aux marchés publics de contrôle technique et confie au contrôleur technique deux missions de base :

  • la mission L, portant sur la solidité des ouvrages et des éléments d'équipement indissociables ;
  • la mission S, portant sur les conditions de sécurité des personnes dans les constructions.

En cas de contrôle technique obligatoire, la mission minimale de contrôle technique comprend la mission L et la mission S. Aux missions L + S est ajoutée la mission complémentaire PS dans tous les cas où la réglementation prévoit la protection contre les séismes. Lorsque l’on ne se contente pas d’une mission minimale, il est possible d’opter pour des missions composées. Celles-ci sont constituées de la mission de base L et d'un complément comportant ou non la mission de base S et tout ou partie des missions complémentaires. Les missions complémentaires définies et listées en annexe A du CCTG sont, par exemple, la mission Ph, relative à l'isolation acoustique des bâtiments, ou la mission Hand, relative à l'accessibilité des constructions pour les personnes handicapées. Pour remplir sa mission, le contrôleur technique accomplit des actes qui relèvent de deux catégories :

  •  

les actes techniques ;

  •  

les actes d'information.Les actes d’information sont prévus au titre des missions L, S et des missions complémentaires définies par le CCTG. Les actes techniques sont pour leur part définis à l’annexe B et s’inscrivent dans un phasage fixé à l’article 11 du CCTG, quelles que soit les missions dévolues au contrôleur technique. Néanmoins, il est possible de déroger à ce phasage, le CCTG à l’instar des CCAG étant un document non obligatoire. Par ailleurs, ce caractère non obligatoire induit que le marché doit expressément s’y référer afin qu’il s’impose aux parties. Sources :