Dépenses communes et compte prorata en marchés de travaux

Par Laurent Chomard

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L’exécution des travaux nécessite des installations de chantier provisoires afin de permettre aux différentes entreprises d’intervenir correctement. Ces prestations constituent ce que l’on appelle les « dépenses communes de chantier ». Certaines sont portées au débit d’un compte spécial – le compte prorata – et sont réparties entre les entreprises intervenant sur le chantier.

Dans un premier temps, nous étudierons les dépenses communes, dites « d'investissement », fixées normalement par le marché (I). Puis nous aborderons les dépenses de consommations liées à l’utilisation des installations de chantier donnant lieu à l’établissement d’un compte prorata (II). Enfin, nous analyserons dans quelle mesure le maître d’ouvrage doit s’immiscer dans les dépenses de consommation (III).

I. Les dépenses d’investissement liées aux installations provisoires de chantier

Les installations et branchements provisoires concernent par exemple une aire de stockage ou un bureau de chantier, les panneaux de chantier, les clôtures ainsi que des branchements en eau, électricité ou téléphone. Les dépenses d’intérêt commun liées aux installations de chantiers sont réputées comprises dans le prix du marché et sont dites « dépenses communes d’investissement ». Il convient que le pouvoir adjudicateur détermine dans le cahier des charges quel lot et donc quelle entreprise est chargée de la mise en place des installations et en supporte les frais afférents.Généralement, c’est le lot le plus important en prestations et en valeur qui en a la responsabilité et la charge ; c’est pourquoi le gros œuvre est la plupart du temps chargé de mettre en place les différentes installations communes de chantier, fixées à l’avance dans leur montant ou du moins dans leur étendue.Lorsque le pouvoir adjudicateur n’allotit pas les opérations de travaux et que le marché de travaux est passé avec des entrepreneurs groupés conjoints, le cahier des clauses administratives générales (CCAG) travaux prévoit en son article 10.12. que « […] les prix afférants au lot du mandataire sont réputés comprendre, en sus, les dépenses et marge touchant [les prestations complémentaires suivantes] :

  • la construction et l'entretien des moyens d'accès et des chemins de service nécessaires pour les parties communes du chantier ;
  • l'établissement, le fonctionnement et l'entretien des clôtures, les dispositifs de sécurité et installation d'hygiène intéressant les parties communes du chantier ;
  • le gardiennage, l'éclairage et le nettoyage des parties communes du chantier, ainsi que leur signalisation extérieure ;
  • l'installation et l'entretien du bureau mis à la disposition du maître d'œuvre, si [les documents particuliers du marché] le prévoi[en]t ;
  • les mesures propres à pallier d'éventuelles défaillances des autres [membres du groupement] et les conséquences de ces défaillances [..]» 

II. Le compte prorata : une gestion des dépenses de consommation propre aux entreprises

Les dépenses communes qui ne peuvent être déterminées à l’avance, c'est-à-dire toutes les dépenses de consommation en termes électrique, d’eau, etc. mais aussi de frais de gardiennage relatives aux installations communes sont portées au débit du compte prorata.Le compte prorata est un compte spécial où toutes les dépenses de consommation sont rapportées et réparties au prorata du montant des situations cumulées de chaque entrepreneur. La tenue du compte prorata est classiquement assurée par l’entreprise de gros œuvre. Le compte prorata est en principe extérieur au maître d’ouvrage. Le CCAG Travaux n’évoque pas le compte prorata, puisque son article 10.1.1. prévoit que « les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux ». Cependant, il peut être opportun de préciser dans le cahier de charges comment sont gérées les dépenses communes de consommation pour éviter que le maître d’ouvrage ne soit appelé à régler une situation conflictuelle en dernier recours.

III. L’immixtion limitée du maître d’ouvrage dans la gestion du compte prorata

Le marché peut prévoir que les dépenses de consommation et d’exploitation seront réparties entre les entrepreneurs proportionnellement au montant de la masse des travaux de leur marché au moment de l'exécution de cette répartition par le maître d’œuvre, chaque entrepreneur ayant à sa charge la part lui incombant dans les délais notifiés par le maître d’œuvre.Le marché peut aussi prévoir que toutes les dépenses de consommation seront gérées par un compte prorata, indiquer quelle est l’entreprise chargée de sa gestion et établir que la gestion du compte prorata, l’établissement de son solde et sa répartition définitive seront réglées conformément aux dispositions de l’annexe C de la norme Afnor NFP 03-001. Cette norme constitue le cahier des clauses administratives générales applicables aux travaux de bâtiment faisant l’objet de marchés privés. Son annexe C a pour objet la gestion et le règlement du compte prorata.Si la gestion du compte prorata est, en général, confiée au titulaire du gros œuvre, l’annexe C de la norme Afnor tend à mieux associer les autres entreprises, notamment en étendant les attributions du comité de contrôle qui peut prendre toute décision utile à la détermination des obligations de chaque entreprise et à la bonne gestion du compte. Il ne faut pas, cependant que le maître d’ouvrage prévoie des clauses qui l’impliquent dans la gestion du compte prorata, car cela aurait pour effet d’obliger le maître d’ouvrage à trancher des conflits entre entreprises ou d’engager sa responsabilité à l’égard de l’entreprise gestionnaire du compte.Sources :

  • CCAG Travaux, art. 10.11. et 10.12.