Le ministère de la Justice condamné… pour infraction au Code des marchés publics

Publié le

Une fois n’est pas coutume : une autorité judiciaire a été condamnée pour méconnaissance de ses obligations de publicité et de mise en concurrence. L’information a été publiée le 25 octobre dans Livres Hebdo. La cour d’appel de Versailles a été condamnée par une ordonnance du 22 octobre du tribunal administratif de Versailles, pour avoir commis une infraction au Code des marchés publics, lors de l’achat de ses Codes… des marchés publics !

Le ministère de la Justice a donc été tenu de verser 1 500 € à la Librairie Droit Éco Lettres, fournisseur de la cour d’appel de Versailles depuis plusieurs années, et a dû casser son contrat avec Dalloz. Objet de la plainte : la cour avait acheté les codes Dalloz directement chez l’éditeur sans publicité ni mise en concurrence, avertissant par mail l’ancien fournisseur de ce changement.

La question soulevée par cette affaire est celle-ci : dans le cas d’un produit soumis à un tarif réglementé, comme c’est le cas pour le livre, l’appel d’offres peut-il être considéré comme inutile puisque la réduction du prix est encadrée par la loi ? La réponse est non, bien entendu : ce n’est pas parce que le prix minimum est fixe qu’un pouvoir adjudicateur peut s’affranchir d’une procédure de publicité et de mise en concurrence.

En effet, le critère du prix n’est pas le seul permettant d’identifier l’offre la mieux-disante. Comme le rappelait le guide du Medef intitulé « Le mieux-disant dans la commande publique », publié en janvier dernier, d’autres critères peuvent être pris en compte : le critère du coût global de la prestation, le critère environnemental, la qualité de la prestation dans la durée, etc.

Autre argument avancé par la cour d’appel : l’achat des livres directement auprès du fournisseur rentre dans le cadre des marchés négociés, sans publicité ni mise en concurrence, selon le cas prévu à l’article 35-II du Code des marchés publics. L’article 35 prévoit en effet un certain nombre de cas selon lesquels le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de mettre en œuvre les mesures de publicité et de mise en concurrence, dont au n° 10 : « les marchés et accords-cadres ayant pour objet l’achat de fournitures à des conditions particulièrement avantageuses ».

Mais l’article 35-II-10 précise que ces conditions avantageuses doivent être obtenues « soit auprès d’un fournisseur en cessation définitive d’activité, soit auprès des liquidateurs d’une faillite ou d’une procédure d’une même nature ». D’autre part, l’argument relatif aux conditions financières particulièrement avantageuses a été rejeté par le tribunal administratif. Il a souligné que la Librairie Droit Éco Lettres pouvait parfaitement proposer les mêmes conditions financières.

Les cordonniers sont parfois les plus mal chaussés : le ministère de la Justice, en tant que pouvoir adjudicateur, doit veiller à rester vigilant avec le Code des marchés publics. Faire l’économie d’une procédure de publicité et de mise en concurrence peut finalement s’avérer coûteux.

Sources :