Le décret marché public sort quasi-indemne de son passage devant le Conseil d'État

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Une fois ça passe, deux fois ça casse… Le désormais célèbre avocat et requérant Franck Perez n’aura pas réussi à transformer l’essai marqué en 2010 contre le seuil (qui était alors de 20 000 euros) en deçà duquel les marchés pouvaient être conclus sans procédure de mise en concurrence préalable. Cette fois-ci, le Conseil d’État a jugé, dans une décision du 17 mars dernier, que le seuil retenu par le décret no 2016-360 du 25 mars 2016, quoique plus élevé (25 000 euros), était exempt de tout reproche. Il s’est également prononcé sur la légalité de quelques autres dispositions. Retour sur les apports de cette décision, point par point.

Tout d’abord, donc, et c’est sans doute sur cette question que l’arrêt était le plus attendu, le Conseil d’État valide le seuil de dispense de procédure de mise en concurrence, fixé à 25 000 euros HT par l’article 30 du décret. Dans l’arrêt « Perez 1 », le Conseil d’État avait censuré le relèvement du seuil, de 4 000 à 20 000 euros HT, opéré «  de manière générale » par le décret no 2008-1356 du 19 décembre 2008, au motif qu’il méconnaissait les principes de la commande publique.

Mais cette fois, estime le Conseil d’État, le seuil de 25 000 euros est assorti de « garanties » qui, au demeurant, reprennent en substance celles qui figuraient déjà dans les textes depuis le décret no 2011-1853 du 9 décembre 2011, pour tirer les conséquences de l’arrêt « Perez 1 ». Le Conseil d’État relève ainsi qu’ « en précisant que, pour les marchés publics passés sans publicité ni mise en concurrence […] l’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin, les dispositions attaquées prévoient des garanties encadrant l’usage de cette possibilité ».

La valeur quantitative des seuils n’est donc pas tant déterminante que l’existence de garde-fous imposés malgré tout aux pouvoirs adjudicateurs lorsqu’ils concluent des marchés sans procédure préalable.

Deuxième apport de la décision du 17 mars, la légalité reconnue par le Conseil d’État des dispositions de l’article 29 du décret dont il résulte que – l’exception de certains articles – le décret ne s’applique pas aux « services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits » et aux « services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure visée à l’alinéa précédent ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l’objet d’une telle procédure ». Le requérant soutenait que cet article revenait à exonérer les prestations en cause du respect des principes de la commande publique.

Le Conseil d’État relève néanmoins que, d’une part, les marchés dont il est question ne sont pas exclus du champ d’application de l’ordonnance no 2015-899 du 23 juillet 2015, d’autre part que l’article 29 du décret prévoit que la passation de ces marchés est soumise à une obligation de publicité et de mise en concurrence « et que, s’il appartient à l’acheteur d’en définir librement les modalités, celles-ci doivent être déterminées en fonction du montant et des caractéristiques du marché ».

Troisième enseignement de l’arrêt « Perez 2 », la censure partielle de l’article 142 du décret, relatif au règlement amiable des différends.

En effet, cet article institue un régime de prescription pour l’action en paiement d’une créance pour les entreprises qui saisissent le médiateur des entreprises ou un comité consultatif de règlement amiable, alors que la fixation de tels délais de prescription relève de la compétence du législateur en vertu de l’article 34 de la Constitution. L’article 142 est donc annulé sur ce point, mais uniquement en tant qu’il porte sur la saisine du médiateur des entreprises, seule visée dans le moyen de la requête.

Pour le reste, est rejeté le moyen tiré de ce que l’article 142 aurait pour effet d’instituer un monopole au profit du médiateur des entreprises : le Conseil d’État juge que « les cocontractants d’un marché public demeur[e]nt libres de recourir au médiateur de leur choix », ajoutant qu’« aucune des attributions confiées au médiateur des entreprises n’emporte intervention sur un marché », de sorte que le décret ne saurait méconnaître le principe de la liberté du commerce et de l’industrie.

Un arrêt important, donc, qui vient stabiliser et sécuriser l’importante refonte du régime des marchés publics.

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