Délai raisonnable en MAPA : le Conseil d’État tranche à nouveau

Publié le

C’est une décision qui remet les pendules à l’heure. Car en procédure adaptée, la question du « délai raisonnable » a fait l’objet de plusieurs décisions récentes des juges du fond, qui sont réfutées par l'arrêt Société antillaise de sécurité du Conseil d’État, en date du 11 décembre dernier, confirmant ainsi sa jurisprudence Grand Port maritime du Havre.

L’affaire concerne un marché de prestations de sécurité incendie et d'assistance à personne passé par le grand port maritime de la Martinique. La société antillaise de sécurité ayant vu son offre rejetée a alors saisi le juge des référés au motif notamment que le délai entre la décision du marché et sa signature était trop court. Le Conseil d’État réfute cet argument et rappelle qu’un marché à procédure adaptée n’est « soumis à aucune obligation de respect d'un délai minimal entre la notification de la décision d'attribution et la signature du contrat ».

Cette décision rectifie le tir après plusieurs jurisprudences rendues sur le délai dit de « standstill » en procédure adaptée. En 2010, deux jugements des tribunaux administratifs de Lyon et de Paris avaient reconnu qu’un délai de 11 jours laissé entre la décision d’attribution du marché et sa signature était insuffisant pour permettre aux candidats évincés de déposer un recours.

Mais le Conseil d'État, dans son arrêt Grand Port maritime du Havre du 19 janvier 2011, a jugé que  le délai entre la décision d’attribution et la signature du contrat est laissé à la libre appréciation du pouvoir adjudicateur.

Contredisant la position des juges du Palais-Royal, la cour administrative d’appel de Nantes a rendu un arrêt en mars 2013, dans lequel elle évoque la nécessité d’un « délai raisonnable », sans le définir précisément. De la même manière, la cour administrative d'appel de Nancy a estimé qu'en procédure adaptée, la personne responsable du marché devait « respecter un délai raisonnable avant de signer le marché afin de permettre aux intéressés, éventuellement, de contester le rejet qui leur est opposé » (CAA Nancy, 18 novembre 2013, Communauté de communes de Vesle Montagne de Reims, n° 12NC01181).

L’arrêt du 11 décembre 2013 coupe donc court aux positions des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel et semble ainsi plus favorable aux pouvoirs adjudicateurs. En reconnaissant qu’il n’existe pas de délai de suspension obligatoire, le Conseil d’État montre que la procédure adaptée permet réellement plus de souplesse aux pouvoirs publics.

Pourquoi cette question fait-elle alors l’objet de tant de débats ? Tout simplement parce que le Code des marchés publics est silencieux en ce qui concerne la procédure adaptée. En effet, l’article 80 du Code des marchés publics prévoit qu’en procédure formalisée, un délai d'au moins 16 jours doit être respecté entre la date d'envoi de la notification et celle de la conclusion du marché. « Ce délai est réduit à au moins 11 jours en cas de transmission électronique de la notification à l'ensemble des candidats intéressés », précise le code. En revanche, rien n’est indiqué en ce qui concerne les marchés à procédure adaptée.

Pour le Conseil d’État, il faut donc s’en tenir strictement aux dispositions réglementaires : si aucun délai n’est prévu par le code, cela signifie qu’en procédure adaptée les pouvoirs adjudicateurs n’ont d'autre obligation en la matière que de respecter les principes d'égalité de traitement des candidats, de liberté d'accès et de transparence des procédures.

Sources :

Lire également :

  • « Pour un MAPA, la procédure de contestation précontractuelle est aussi adaptée » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 81
  • « Coup de projecteur sur l’office du juge des référés contractuels à l’égard des MAPA » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 27