2014, année de la facturation électronique dans les marchés publics ?

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La facturation électronique s’inscrit dans un contexte général d’objectif de réduction des dépenses par les personnes publiques au sein de l’Union européenne, particulièrement en France, et conjointement à une recherche d’efficience de l’achat public. Par une communication du 26 juin dernier, le commissaire européen Michel Barnier soulignait que le coût de la facturation pourrait passer d’une fourchette comprise entre 30 et 50 euros par opération à un euro, tout en permettant une transmission plus rapide.

Selon la « stratégie numérique pour l’Europe », un des piliers de la stratégie Europe 2020, les marchés publics devraient être passés sous forme entièrement numérique avant juillet 2016. Cette date est pourtant remise en question à l’examen des initiatives actuellement en cours. Au niveau communautaire, un projet de directive porté par la Commission européenne et présenté le 26 juin 2013 propose l’élaboration d’une normalisation de la facturation électronique. Au niveau français, la loi du 2 janvier 2014, qui autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance, promet des avancées sur cette question.

Pour que le mouvement vers la facturation électronique dans les marchés publics se concrétise rapidement, les législateurs communautaire comme national devront résoudre rapidement des questions très techniques, mais peuvent d’ores et déjà s’appuyer sur des initiatives existantes en plein développement.

Le premier impératif à respecter pour la facturation électronique réside dans les règles posées par la directive 95/46/CE relative à l'information de la personne concernée, au droit d’accès aux informations conservées, au droit d’opposition à la conservation des données, à la confidentialité et sécurité du traitement et à la notification des données à une autorité de contrôle. Compte tenu de l’importance et de la qualité du contrôle de la CNIL et de la CADA en France, cet aspect ne pose pas de problème.

Le défi majeur à relever est l’aspect technique de la facturation électronique. À cet égard, il est intéressant de relever l’échec relatif de la e-facturation dans le domaine privé, qui a conduit à pérenniser une solution intermédiaire entre la facture papier et sa forme dématérialisée. En effet, trois options existent pour qualifier une facture d’« électronique ». La première est celle qui est visée dans le cadre des marchés publics, à savoir un mécanisme totalement dématérialisé et contrôlé, dit par « échange de données informatisées » (EDI, également Electronic Data Interchange). Les données sont ainsi structurées et les formulaires standardisés afin de garantir la lisibilité du document tout au long de la chaîne de l’échange. La deuxième option est la facture électronique dont la validité est assurée par un processus de signature électronique afin de garantir l'identification de l’émetteur de celle-ci. La dernière option, la plus large, est la simple numérisation d’une facture papier (en la scannant) et sa transmission par voie électronique tout en conservant la version matérielle. Cette troisième possibilité avait été ouverte dès 2001 mais a été confirmée début 2013 afin de pallier les difficultés techniques de mise en œuvre de la directive 2010/45 du 13 juillet 2010.

Pour que la e-facturation aboutisse de manière complète, sous la forme d’EDI, il est ainsi nécessaire de définir des standards… ce qui n’est pas encore tout à fait le cas. Certes, la Commission européenne a confié au Comité européen de normalisation la tâche d’établir les éléments que comporte une facture électronique, ainsi que les éléments de structuration informatique (XML GS1, EDIFACT, etc.). Sans doute la norme CEN/BII (pour Comité européen de normalisation/Business interoperability interfaces) sera-t-elle retenue.

Pour autant, les initiatives nationales peuvent très bien prendre de vitesse les règles communautaires, qui sont engluées dans les méandres administratifs de Bruxelles. En effet, si un projet de directive a bien été présenté en juin dernier, la procédure législative n’a pas encore été engagée. Ce qui pousse à émettre des conjectures : si la procédure législative se déroule parfaitement, les instances de l’Union pourraient donner naissance à une directive sur la facturation électronique au cours du premier semestre 2014. Mais, selon les termes mêmes du projet de texte, les États auront 48 mois pour la transposer.

Si l’état actuel du droit national, pour les marchés publics, est vierge, il ne le restera pas longtemps. La loi habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises a été adoptée et promulguée en ce début d’année. Elle prévoit ainsi « de permettre le développement de la facturation électronique dans les relations de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics avec leurs fournisseurs, par l’institution d’une obligation, applicable aux contrats en cours, de transmission dématérialisée des factures, entrant en vigueur de façon progressive pour tenir compte de la taille des entreprises concernées et de leur capacité à remplir cette obligation ». Une fois le texte adopté, il faudra que le Gouvernement prenne ces dispositions, par voie d’ordonnance, ce qui lui laisse le champ libre pour définir ensuite par voie réglementaire les conditions techniques de la facturation électronique à la française.

À la lecture de ces lignes, il ressort évidemment que le flou domine. Et pourtant, des initiatives ont vu le jour pour clarifier la mise en œuvre de la facturation électronique. En quelque sorte, comme souvent en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication, la pratique prend le pas sur le droit.

Tel est l’objectif d’OpenPEPPOL, qui a pris la suite du consortium PEPPOL (pour Pan-European Public Procurement Online). Initié par les ministères économiques des pays scandinaves, avec la participation de l’ADETEF et désormais du SGMAP, le projet a permis de mettre en place deux éléments :

  • une standardisation des formats des documents tout d’abord, PEPPOL edossier et PEPPOL ecatalogue notamment, selon une syntaxe particulière ;
  • un transport des informations du titulaire du marché vers le pouvoir adjudicateur via un cloud dit « PEPPOL edelivery » d’autre part. Il est opéré selon un système dénommé BUSDOX, qui permet l’échange de n’importe quel document XML entre n’importe quel réseau.

Les spécifications de PEPPOL sont pour l’instant entrées en vigueur en Norvège (pour les marchés publics de l’État et des services de santé), en Autriche (gouvernement fédéral) et en Irlande (pour la Défense, la Justice, les Travaux publics, la Santé, et les services informatiques des pouvoirs locaux).

S’inscrire dans une telle démarche, en rejoignant une telle initiative, permet aux pouvoirs adjudicateurs de se familiariser avec les enjeux et les conditions de la facturation électronique, voire de bénéficier d’expérimentations. Et cela, dès cette année qui commence.

Sources :