Y-a-t-il bouleversement de l'économie d'un contrat en cas d'augmentation de 28 % du prix ?

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La cour administrative d’appel de Paris a illustré, par un arrêt du 25 février 2013, la règle de l’illégalité d’un avenant constituant un bouleversement économique du contrat.

L’espèce fait l’objet d’un traitement très médiatique, et est donc sensible, car elle concerne la rénovation du trou des Halles, dans le 1er arrondissement de Paris. Travaux d’envergure, ils nécessitent une évaluation continuelle, à la hausse, de leur prix. Le litige concernait le marché de maîtrise d’œuvre passé avec un groupement d’architectes. Le prix fixé dans le marché étant lié au prix global de l’opération, la hausse du coût des travaux entraîne nécessairement celle du prix de la prestation de maîtrise d’œuvre, conformément à l’article 30 de la loi du 12 juillet 1985. La ville de Paris, puis sa société d’économie mixte, ont régulièrement signé des avenants au marché original, augmentant son prix de 19,6 millions d'euros HT à plus de 25 millions d'euros HT pour le forfait définitif de rémunération de la maîtrise d'œuvre. Le préfet de Paris a exercé un déféré préfectoral sur le dernier avenant et a obtenu la reconnaissance de la nullité de la convention auprès du tribunal administratif.

L’article 20 du Code des marchés publics est très clair sur la question : un avenant ou une décision de poursuivre ne peuvent bouleverser l’économie du marché ni en changer l’objet, sauf en cas de sujétions imprévues. Reste à définir ce qu’est un bouleversement de l’économie du marché. En l’espèce, la hausse du prix atteignait 28,48 % par rapport au prix initial. Pour la direction des Affaires juridiques comme pour le juge depuis l’arrêt du Conseil d’État en date du 19 janvier 2011, SARL Entreprise MATEOS c/ Centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie, la pratique d’augmenter par avenant de 15 à 20 % le montant du marché bouleverse son économie.

Mais pour le juge d’appel, « la fixation du forfait définitif de rémunération du titulaire de ce marché, la formalisation de l'acceptation, par le maître d'ouvrage, du coût prévisionnel des travaux, la notification du programme technique détaillé définitif du projet et, enfin, la mise à jour des délais » par l’avenant ainsi que la circonstance selon laquelle « cet avenant a entendu prendre en compte des évolutions de programme se rapportant à des missions indissociables des prestations du marché initial » permettent de fonder juridiquement la modification et d’échapper à un bouleversement du contrat.

Cette décision ne manquera pas d’étonner. En effet, il semblerait que si le juge commence son raisonnement comme s’il allait le conclure sur le fondement du bouleversement de l’économie du contrat… il l’achève quasiment sur la question des sujétions imprévues en invoquant les missions ajoutées mais indissociables du marché principal.

Plutôt que de focaliser son attention sur la question du bouleversement de l'économie du contrat, peut-être vaut-il mieux réfléchir sur les conditions de fixation de la rémunération du maître d'œuvre posées par l'article 29 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé : l'étendue de la mission, la complexité du projet et... le coût prévisionnel des travaux.

Dans l'espèce en question, le coût prévisionnel des travaux est en hausse constante et n'est pas remis en cause du fait de l'intérêt stratégique et politique du projet. Le juge avait sans doute cela a l'esprit lorsqu'il a raisonné pour valider les avenants.

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