Une personne publique peut saisir le juge des référés d’une demande de provision relative à une créance trouvant son fondement sur un contrat

Publié le

Si une personne publique est irrecevable à demander au juge administratif de se prononcer sur une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre, il en va différemment lorsque cette mesure consiste en le recouvrement d’une créance trouvant son fondement sur un contrat. Tel est du moins ce qu’illustre cette décision rendue le 24 février dernier par la haute juridiction administrative.

En l’espèce, le département de l’Eure avait passé, avec la société Signature SA et un groupement composé de cette même société et de la société Signalisation routière, deux marchés à bons de commande en vue de la fourniture de matériels de signalisation verticale. L’autorité de la concurrence ayant établi que ces deux sociétés avaient enfreint les dispositions de l’article L. 420-1 du Code de commerce relatives à la prohibition des ententes, le département avait saisi le juge administratif des référés de manière à obtenir le versement d’une provision par ces sociétés correspondant au surcoût entre les prix qu’il avait versés au titre de l’exécution des marchés et ceux qui auraient dû être payés s’ils avaient été déterminés par le libre jeu de la concurrence.

Le juge administratif des référés du tribunal administratif de Rouen avaient partiellement fait droit à la demande du département. L’une des sociétés avait cependant interjeté appel et le juge des référés de la cour administrative d’appel de Douai avait annulé l’ordonnance rendue en première instance. Ce dernier avait effectivement considéré que la demande de provision était relative à une créance fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés. Or, le département pouvant émettre lui-même un titre exécutoire à l’encontre de ces sociétés afin d’obtenir le recouvrement de sa créance, celui-ci ne pouvait saisir directement le juge administratif d’une demande tendant à son recouvrement. Le département avait cependant choisi de se pourvoir en cassation.

Estimant qu’en rejetant la demande de provision du département pour de tels motifs, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Douai avait commis une erreur de droit, la haute juridiction administrative annula l’ordonnance rendue. Après avoir rappelé que la circonstance qu’une créance trouve son origine dans un contrat permet à la collectivité publique de saisir le juge administratif d’une demande tendant à son recouvrement, cela notamment dans le cadre d’un référé provision, le Conseil d’État relève effectivement que l’action introduite par le département de l’Eure, laquelle reposait sur des agissements dolosifs susceptibles d’avoir conduit celui-ci à contracter avec les sociétés mises en cause à des conditions de prix désavantageuses, trouvait son origine dans un contrat. Par conséquent, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Douai avait donc bien commis une erreur de droit.

Cette décision publiée au Recueil Lebon est donc l’occasion de rappeler que, si une personne publique est irrecevable à demander au juge administratif de se prononcer sur une mesure qu’elle a le pouvoir de prendre, il en va différemment lorsque cette mesure consiste à recouvrir une créance trouvant son fondement sur un contrat.

Sources :