Un marché de travaux sur un lieu de culte est-il légal ?

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Avant de lancer certains marchés de travaux, en avez-vous le droit ? La question se pose régulièrement, notamment en matière d’entretien des biens immobiliers particuliers que sont les lieux de cultes.

Le principe, fondé sur la loi du 9 décembre 1905, est l’interdiction des dépenses en faveur d’un culte plutôt qu’un autre, sauf en Alsace-Moselle. Ainsi, « dans le cadre de la construction ou de l’acquisition d’un lieu de culte, le juge a reconnu l’illégalité de dépenses publiques relatives à la construction d’un nouveau lieu de culte par une commune, de subventions pour l’acquisition d’un ensemble immobilier au profit d’une association dont l’objet inclut la pratique d’un culte, ou encore de la vente d’un bien communal à un prix inférieur à sa valeur vénale à une association dont l’objet principal est de poursuivre des activités cultuelles », rappelle le rapport sénatorial. Pourtant, les communes sont propriétaires depuis 1905 de la majorité des lieux de culte qui existaient à l’époque : des églises catholiques. D’où un paradoxe bien résumé par des membres du Conseil d’État interrogés lors de la constitution du rapport : « La loi de 1905 fut conçue pour gérer un stock et ne contenait pas de dispositions spécifiques relatives à la construction », alors que certaines religions ont désormais un besoin à cet égard.

Les collectivités ne peuvent pas financer ou être maîtresses d’ouvrage pour des travaux de construction mais seulement d’entretien et de conservation des édifices cultuels. Cette mission, qui n’est pas une dépense obligatoire (CGCT, art. L. 2321-2) est toutefois considérée comme des travaux publics (CE, 10 juin 1921, Commune de Montségur). Pour définir précisément la définition de travaux d’entretien et de conservation, la jurisprudence a construit les règles touches par touches entre 1905 et 1945 pour les envisager comme « les travaux de gros œuvre visant à préserver des éléments de structure de l’édifice tels que les murs, la toiture, la charpente ou encore les sols ; la peinture, l’installation d’un système d’électricité ; les dépenses de chauffage dans la mesure où celles-ci sont nécessaires à la conservation de l’édifice, à la sécurité des visiteurs et ne constituent pas un simple agrément visant à assurer le confort des fidèles ». Parmi les mesures de sécurité figurent notamment le respect des normes applicables aux établissements recevant du public (ERP) auxquelles s’ajoutent néanmoins les normes handicapées.

À cette exception générale s’ajoute une exception plus précise, et sans doute plus délicate à manier, mais qui pourrait déboucher sur un moyen juridique de construction de lieux de cultes par une collectivité. Le Conseil d’État l’a défini dans ses cinq arrêts d’assemblée sur la laïcité du 19 juillet 2011 où sont définis les quatre critères du financement de projets en rapport avec des pratiques ou des édifices cultuels : existence d’un intérêt public local et respect du principe de neutralité qui se décline dans l’interdiction de toute libéralité d’une part et dans la nécessité d’affecter les fonds au projet par une convention pour éviter tout dérapage.

Le rapport permet de synthétiser les très nombreux principes et exceptions qui président à des besoins en matière de travaux dont la clarté fait parfois défaut. Reste encore d’avoir la volonté politique de s’engager dans ceux-ci.

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