Nouvelle sanction pour un recours non justifié à un marché négocié sans publicité ni mise en concurrence

Par Emmanuel Camus

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On ne le dira jamais assez : les procédures négociées sans publicité ni mise en concurrence de l’article 30 du décret no 2016-360 ne doivent pas être employées à la légère, et leurs conditions de recours doivent être respectées scrupuleusement. Cette fois-ci, c’est un syndicat mixte de traitement des déchets qui en fait les frais pour un marché de 243 millions d’euros sur une durée de quinze ans…

(CE, 10 oct. 2018, no419406)

Le syndicat mixte de traitement des déchets du Nord et de l'Est (SYDNE) a conclu, le 10 novembre 2017, avec la société Inovest, un marché de services de tri, traitement, stockage et enfouissement des déchets non dangereux, sans publicité ni mise en concurrence préalables, pour un montant de 243 millions d'euros et une durée de quinze ans.

Pour justifier cette absence de mise en concurrence, le SYDNE s’est fondé sur les dispositions de l’article 30 du décret no 2016-360 et plus précisément sur son 3°, relatif aux « raisons techniques ». Le recours à cette procédure dérogatoire fait par ailleurs peser sur l’acheteur public l’obligation de justifier qu’il n’existe pas de solution alternative ou de remplacement raisonnable.

Ainsi, le SNYDE indique notamment que la société Inovest, qui a obtenu un permis de construire et une autorisation d'exploiter portant sur un centre de valorisation des déchets non dangereux, serait le seul opérateur en capacité de répondre aux besoins du SYDNE et d'apporter une solution de tri et de valorisation des déchets non dangereux pouvant être mise en œuvre courant 2019.

Cette justification est, sans trop de surprise, battue en brèche par le Conseil d’État, qui constate qu'il n'apparaît pas qu'aucun autre opérateur économique n'aurait pu se manifester si le calendrier retenu par le SYDNE avait été différent et que l'absence de concurrence résultait d'une restriction artificielle des caractéristiques du marché public par le SYDNE, lequel ne justifiait pas plus de l’absence de solution alternative ou de remplacement raisonnable (à ce sujet, CE, 19 sept. 2007, no 296192Communauté d’agglomération de Saint Etienne Métropole). 

Le Conseil d’État retient également une méconnaissance des dispositions de l’article 16 du décret no 2016-360, lequel prévoit que la durée d'un marché public est fixée en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d'une remise en concurrence périodique.

En l’espèce, la durée de quinze ans est sanctionnée par le Conseil d’État au motif que le contrat litigieux est un marché de services, au terme duquel le centre de tri qui doit être réalisé par la société Inovest n'est pas destiné à faire retour à la collectivité. Cette motivation laisse toutefois un peu plus circonspect, en raison de son caractère laconique et du fait que la durée ne paraît pas forcément manifestement excessive eu égard à l’obligation pour le prestataire d’amortir ses investissements…