MAPA : le recours au référé contractuel, une question d’avis

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Tel du papier à musique, l’introduction des référés précontractuel et contractuel est minutieusement réglée, tant par le Code de justice administrative que la jurisprudence l’ayant complété. Mais aujourd’hui encore, alors qu’un référé précontractuel introduit postérieurement à la signature du marché semble vouer à l’échec toute autre procédure de référé, il arrive que le juge ne l’entende pas ainsi, comme dans cette décision du Conseil d’État du 23 janvier 2017.

Lundi 23 mai 2016, l’aube se lève sur une belle matinée en perspective. Se saisissant de son plus beau stylographe, le représentant du syndicat intercommunal (SIVOM), pouvoir adjudicateur, s’apprête à apposer sa signature sur le marché portant sur l’extension et la rénovation du réseau d’eau et d’assainissement (lot no 1) et sur la réfection des tranchées réalisées dans le cadre du lot no 1 (lot no 2). Il vérifie une dernière fois son calendrier, et est soudain rassuré : treize jours se sont écoulés depuis qu’ont été notifiés au candidat désormais évincé le rejet de son offre portant sur le lot no 1 et au groupement presque titulaire la décision de lui attribuer le marché. D’aucuns diront que ce délai n’est point raisonnable, mais était-il bien nécessaire ? Après tout, il ne s’agit que d’une procédure adaptée n’imposant nullement qu’une telle attente soit respectée avant la signature du contrat administratif. La pensée est vite chassée : le seing est donné et l’outil d’émargement délaissé, car c’est déjà l’heure du déjeuner.

Au tribunal administratif du chef-lieu de l’Isère, le greffe se laisse envahir par une certaine somnolence postprandiale. Cet état de torpeur prévisible est soudain interrompu : un référé précontractuel vient d’être déposé sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative (CJA) par une entreprise de BTP. Quelques jours seulement suffiront à celle-ci pour être avisée par le SIVOM de la signature du marché, intervenue le jour même de l’introduction de sa propre requête. Forte de cette information, la société requalifie son action en référé contractuel. Insensible à cette opération de transformation juridique, le juge des référés le rejette comme irrecevable. Il n’en faut pas plus à l’entreprise pour attaquer l’ordonnance de rejet devant le Conseil d’État.

Tout porte à croire qu’un référé précontractuel introduit après la signature du marché n’a vocation qu’à être rejeté, pour la simple raison que l’intervention de cette signature empêche précisément son recours. C’est sans compter sur la possibilité pour le candidat évincé de transformer ce référé précontractuel en référé contractuel, à la faveur d’une interprétation croisée des dispositions du Code de justice administrative (CJA) et de l’article 40-1 du Code des marchés publics, alors en vigueur.

Certes, le pouvoir adjudicateur a notifié au candidat malheureux le rejet de son offre et observé un délai de 13 jours avant de signer le contrat, et cela sans y être tenu puisque qu’il s’inscrit dans le cadre d’une procédure adaptée. Cela ne signifie pas pour autant qu’un référé contractuel ne puisse être introduit après cette signature. En effet, ce type de recours ne peut être exercé, dans le cadre d’un MAPA, « à l’égard des contrats dont la passation n’est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication » (premier alinéa de l’article L. 551-15 du CJA). A contrario donc, un référé contractuel est possible lorsque l’intention de conclure le contrat n’a pas été rendue publique et lorsqu’un délai de onze jours n’a pas été observé.

Qu’en est-il donc de la notification envoyée au candidat évincé par le SIVOM ? Elle n’est pas régulière. L’article 40-1 du Code des marchés publics est pourtant clair (sic) : « pour rendre applicables les dispositions du premier alinéa de l’article L. 551-15 du Code de justice administrative, le pouvoir adjudicateur publie au Journal officiel de l’Union européenne un avis. » Ce n’est pas tout de s’astreindre volontairement à notifier un candidat non retenu alors qu’aucun texte ne l’oblige en procédure adaptée, encore faut-il que l’avis soit publié au JOUE… comme dans le cadre d’une procédure formalisée.

Du reste, le candidat n’a pas plus vu sa requête aboutir devant le Conseil d’État. Après avoir accepté la requalification du référé précontractuel en référé contractuel, le juge règle l’affaire en faisant application de sa jurisprudence Grand port maritime du Havre. Il rappelle ainsi que l’annulation d’un MAPA « ne peut en principe résulter que du constat des manquements mentionnés aux deux premiers alinéas de l’article L. 551-18, c’est-à-dire de l’absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou de la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique ». Constatant que la demande en annulation formulée par l’entreprise porte sur l’appréciation irrégulière de la valeur technique de son offre par le pouvoir adjudicateur, la haute juridiction administrative ne peut qu’être catégorique : un tel manquement ne peut être invoqué dans le cadre d’un référé contractuel.

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