La prise de possession anticipée d’un ouvrage n’est pas un manquement contractuel dès lors qu’elle est motivée par l’urgence et précédée d’un état des lieux contradictoire

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Aux termes de l’article 41.8 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux), la prise de possession des ouvrages par le maître d’ouvrage doit en principe être précédée de leur réception. Dans le cas contraire, pareil manquement de la personne publique à ses obligations contractuelles peut éventuellement donner lieu à la résiliation du marché, ou du moins au versement de dommages et intérêts.

L’article 41.8 du CCAG Travaux prévoit cependant une exception à cette règle lorsque la prise de possession de l’ouvrage avant sa réception est motivée par des considérations d’urgence et sous réserve de l’établissement préalable d’un état des lieux contradictoire.

Par une décision rendue le 3 mai 2016, la cour administrative d’appel de Bordeaux a eu l’occasion de mettre en œuvre cette exception au principe de la réception s’agissant d’un marché public de travaux portant sur un ensemble scolaire. L’occasion d’illustrer les circonstances à même de caractériser la condition d’urgence exigée par l’article 41.8 du CCAG Travaux.

En l’espèce, la commune de Papaïchton avait conclu avec la société Groupe Louison de construction en région guyanaise (SGLCRG) un marché public de travaux portant sur l’extension et la mise aux normes d’un groupe scolaire. À la suite du retard pris dans l’exécution du marché par le titulaire, et la rentrée des classes arrivant, la commune avait alors pris la décision de prendre possession d’une partie de l’ouvrage avant son achèvement définitif et, par voie de conséquence, avant sa réception, cela afin d’assurer la rentrée scolaire.

La SGLCRG avait alors demandé à la commune de lui régler les sommes dues, ainsi que la réparation des préjudices résultant de la prise de possession anticipée d’une partie de l’ouvrage avant même l’achèvement de l’ensemble des travaux. Face au refus d’indemnisation de la commune, le titulaire du marché avait saisi le tribunal administratif de Cayenne afin d’obtenir la résiliation du marché aux torts exclusifs de celle-ci. Sa demande ayant été rejetée, le titulaire du marché avait alors interjeté appel.

La cour administrative d’appel de Bordeaux confirma toutefois le jugement rendu par le tribunal administratif de Cayenne. D’une part, la prise de possession anticipée de l’ouvrage avait été motivée par une considération d’urgence valable, à savoir la nécessité de recevoir les élèves du groupe scolaire pour la rentrée des classes et, d’autre part, la règle procédurale d’établissement préalable d’un état des lieux contradictoire avait été également respectée.

Dans ces conditions, le titulaire du marché ne pouvait donc demander la résiliation du marché aux torts exclusifs de la commune !

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