La personne publique propriétaire, toujours protégée par son assureur dommages-ouvrage

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Les règles de subrogation de l’assuré par l’assureur dans le cadre de l’exécution des marchés publics viennent d’être précisées par un arrêt rendu par le Conseil d’État le 20 mars dernier. Le juge s’est prononcé en faveur de l’assureur dommages-ouvrage, puisque ce dernier peut agir à la place non seulement de son assuré mais aussi de la personne publique en tant que maître d’ouvrage.

La ville de Paris a confié à une société d’économie mixte locale le soin de rénover une école élémentaire. La société d’économie mixte a alors chargé un architecte de la maîtrise d’œuvre et plusieurs entreprises des travaux. Menant une opération de travaux, la SEM a conclu un contrat d’assurance dommages-ouvrage avec une compagnie spécialisée, selon l’obligation énoncée à l’article L. 242.1 du Code des assurances. À la réception des travaux, la société d’économie mixte a vu sa mission de maîtrise d’ouvrage cesser. Un peu plus de six ans après la réception, des dommages sont apparus. Conformément au contrat et à la loi, la compagnie d’assurance a joué son rôle de garantie et a payé pour « la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs ».

La compagnie d’assurance ne joue dans ce type de contrat qu’un rôle d’avance des fonds : elle se retourne toujours contre les fautifs, à savoir le maître d’œuvre et les constructeurs. Juridiquement, cette action contre les responsables des dommages lui est garantie par l’article L. 121-12 du Code des assurances : le maître de l’ouvrage bénéficie d’un droit d’action dans le cadre de la responsabilité décennale, droit auquel est subrogé l’assureur.

Toutefois, les constructeurs refusent de voir leur responsabilité engagée, ce qui conduit l’assureur à les poursuivre devant le tribunal administratif de Paris. Le tribunal rejette la demande de l’assureur, ce qui est confirmé en appel, au motif que l’assureur agissait en se subrogeant à son assuré, la société d’économie mixte. Or, la mission de l’assurée avait cessé, et seule la ville de Paris, propriétaire de l’ouvrage, avait la compétence pour agir.

Le Conseil d’État casse ce raisonnement et annule l’arrêt de la cour administrative d’appel. Pour le juge administratif suprême, il ne faut pas s’arrêter au seul contrat mais s’intéresser au bénéficiaire final de l’opération. Le contrat d’assurance conclu par la société d’économie mixte n’avait pour cause que la protection du bâtiment, qui appartient à la ville de Paris. Dès lors, le contrat couvre également la collectivité, et l’assureur n’a pas agi en étant subrogé à la société en mission mais bien en étant subrogé dans le droit d’action de la ville de Paris.

Cette solution, toute protectrice qu’elle soit pour les collectivités propriétaires d’ouvrages nouveaux, peut sembler étonnante sur le plan juridique, car paraissant contrevenir à l’effet relatif des contrats. En effet, les parties au contrat d’assurance étaient bien la société d’économie mixte et la compagnie d’assurance.

La validité juridique du tour de passe-passe des juges du Palais-Royal est à chercher ailleurs. Dans un arrêt de 1988, le Conseil d’État avait validé la cession conventionnelle de créance pour la responsabilité décennale du constructeur sur volonté du créancier. Il va aujourd’hui plus loin en considérant que le contrat de mandat dont est bénéficiaire le maître d’ouvrage délégué ne touche pas qu'à la construction du bâtiment, mais aussi à tous les actes connexes, y compris la conclusion d'un contrat d'assurance au profit du propriétaire final. Il permet ainsi aux personnes publiques de déléguer la maîtrise d’ouvrage, par marché ou délégation de service publics, en les garantissant du soutien de l’assureur pour la responsabilité décennale.

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