Indemnisations en cas de résiliation unilatérale d’un marché : un passage devant le juge assuré ?

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Même si aucune clause contractuelle ne le prévoit, les pouvoirs adjudicateurs disposent toujours du droit de résilier unilatéralement le marché pour un motif d’intérêt général. En contrepartie, le titulaire qui n’a commis aucune faute a droit à une indemnisation dont le montant diffère selon les cas. Dans son arrêt du 14 décembre 2016, le Conseil d’État a rappelé les conditions d’octroi des indemnités auxquelles les entreprises peuvent prétendre en cas de résiliation du marché par la personne publique pour motif d’intérêt général.

Dans le litige opposant la métropole Nice Côte d'Azur et les sociétés Guintoli, Géotechnique travaux spéciaux (GTS) et Alberti, le Conseil d’État a rappelé qu’en matière de résiliation et d’indemnisation, l’indemnisation doit prendre en compte les dépenses engagées ainsi que le gain manqué par le titulaire. Mais pour que l’intégralité du dommage subi par les titulaires du marché soit indemnisée, le titulaire doit en justifier le montant, or c’est ce dernier point qui pose problème. Cette condition sine qua non doit éviter un enrichissement indu des titulaires du marché résilié.

Retour sur l’affaire : la métropole Nice Côte d'Azur avait conclu avec les sociétés Guintoli, Géotechnique travaux spéciaux (GTS) et Alberti des marchés sur la rectification et le calibrage de la chaussée de la route départementale 2205 entre les communes de Marie et Saint-Sauveur (Alpes-Maritimes). Mais la métropole Nice Côte d'Azur a résilié les différents marchés au titre des « sujétions imprévues », causées par l'éboulement de rochers. Ces difficultés techniques rencontrées en cours d’exécution constituent bien un motif de résiliation pour intérêt général. Les sociétés ont été indemnisées, mais le montant ne couvrait pas le manque à gagner. Les trois sociétés titulaires des marchés ont alors saisi le juge, réclamant une indemnisation pour le manque à gagner subi du fait de cette résiliation. La cour administrative d'appel de Marseille a rejeté leurs prétentions.

Les trois sociétés contestent le jugement et le Conseil d’État leur a donné raison : la cour administrative d'appel de Marseille a en effet commis une erreur de droit en statuant que « le préjudice consécutif à des sujétions imprévues survenues lors de l'exécution de travaux est distinct du manque à gagner subi par l'entrepreneur du fait de la résiliation de son contrat pour un motif d'intérêt général ». En outre, la cour administrative d'appel a également entaché son arrêt d'une erreur de droit en ne prenant pas en compte le fait que la décision de résiliation n’a pas été notifiée à toutes les parties le même jour et à leur domicile par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille. Même si la jurisprudence se prononce régulièrement en faveur d’une gestion plutôt économe des deniers publics, ce jugement du Conseil d’État montre une fois de plus que le montant d’indemnisation reste un point sensible qui se résout rarement à l’amiable.

À tout fin utile, rappelons également qu’il est possible de résilier unilatéralement un marché pour un motif d'intérêt général, sans indemniser son titulaire, à l’unique condition que l’une des clauses du contrat le prévoie expressément.

Sources :

Lire également sur Légibase Marchés publics :

  • « Résiliation unilatérale d’un marché sans indemnisation : c’est possible ! » – La Lettre Légibase marchés publics no 74