Abandonner un marché après le choix du titulaire est possible sous certaines conditions

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Par un arrêt en date du 6 juin 2013, la cour administrative d’appel de Lyon a fait application, de manière éclairante, des règles de conclusion d’un marché pour écarter une action en responsabilité menée par le candidat choisi. Tant que l’acte d’engagement n’a pas été signé, et en respectant certaines conditions, le pouvoir adjudicateur peut abandonner sa décision de passer un marché, sans engager sa responsabilité.

L’affaire portée devant le juge du plein contentieux était la suivante : un syndicat intercommunal de l’eau et de l’assainissement souhaitait étendre et mettre aux normes sa station d’épuration. La procédure de passation est menée jusqu’à son terme et un groupement d’entreprises est retenu. Le pouvoir adjudicateur lui a notifié avoir choisi son offre. Deux mois après cette décision, et alors qu’il n’avait pas signé le marché, le groupement a été informé que son projet ne serait pas subventionné par le département comme cela avait été prévu à l’origine. En l’absence de cette subvention, qui représentait un tiers du montant de l’opération, et sans solution alternative viable, le pouvoir adjudicateur a indiqué au candidat retenu, onze mois après l’attribution du marché, que le projet était abandonné et qu’il ne serait pas donné suite à l’offre. Le nœud du litige consistait en la préparation des travaux, sur place, par le candidat retenu. Cette préparation ayant nécessité l’engagement de fonds, l’abandon du projet était vu comme une faute par le requérant.

Pour le juge, la décision du syndicat était fondée. Il avance en substance trois conditions qui, indépendamment les unes des autres, l’expliquent.

Première condition : le marché n’avait pas été signé. Pour le juge, une telle situation ne plaçait pas le pouvoir adjudicateur comme débiteur d’une obligation d’information relative au rejet de sa demande de subvention.

Deuxième condition : l’absence de notification du marché, puisqu’il n’avait pas été signé, interdisait au candidat retenu de commencer les travaux conformément à l’article 19 du CCAG. L’examen des faits révélait qu’une décision orale de préparer les travaux ne pouvait avoir été donnée, dans la mesure où le pouvoir adjudicateur savait déjà, à cette période, que la subvention lui avait été refusée. Sans incitation à lancer la préparation des travaux, la faute n’est pas constituée.

Une troisième et dernière condition, plus étonnante, est présentée : pour faire face à ses besoins tout en respectant ses contraintes financières, le syndicat, après avoir annulé son projet d’extension et de mise aux normes, a raccordé son réseau à la station d’épuration du syndicat mixte d’une grande agglomération voisine. Pour le juge, cette solution étant moins chère que celle prévue à l’origine, ce qui correspondait au nouveau besoin du pouvoir adjudicateur, encore une fois la faute n’était pas constituée. Il est difficile, en lisant le considérant, de distinguer si le juge a souhaité écarter la faute, si la solution de remplacement à un marché annulé est moins chère, ou si elle satisfait le besoin. Dans l’optique des principes fondamentaux de la commande publique, il serait préférable que seule la pleine satisfaction du besoin par la solution de rechange motive l’abandon d’un marché.

Il doit être retenu de cette décision que le choix du titulaire ne vaut pas conclusion du marché. En effet, seules la signature de l’acte d’engagement et sa notification au bénéficiaire ont cette valeur. En conséquence, le pouvoir adjudicateur peut abandonner son projet sans que sa responsabilité puisse être engagée sur ce fait puisqu’il n’a pas conclu le marché, et/ou puisqu'il n’a pas demandé expressément de lancer la prestation et, même s'il est difficile ici de déterminer s'il s'agit d'une condition de fait ou de droit, puisqu'il a choisi une solution de rechange et que celle-ci correspond à son nouveau besoin.

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