Une entreprise titulaire d’un marché à bons de commande voit son droit d’exclusivité dénié (renié ?), faute d’avoir émis sa réclamation dans les formes appropriées.

Par Mathieu Blossier

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Dans un arrêt rendu par la CAA de Lyon le 5 avril 2018, le juge vient rappeler que la validité d’une réclamation via la production d’un mémoire, quel qu’en soit le bien-fondé, est classiquement suspendue à un formalisme tenant de « l’ordre contractuel établi. »

La société Cheops Technology, requérante, s’est vue notifier le 27 mai 2009 par l’université Lyon 2 un marché à bons de commande avec mini et maxi concernant la fourniture de serveurs, stockage et prestations informatiques associées. Initialement d’une durée d’un an, l’engagement a été reconduit jusqu’au 26 mai 2012 – cet accord laissant présager que les prestations étaient de qualité et que le climat entre les parties était au calme.

Cependant dans l’intervalle, soit en octobre 2011, le même maître d’ouvrage a lancé une nouvelle consultation portant sur des prestations similaires (avec quelques arrangements dans l’intitulé : « fourniture d'équipements de stockage informatique et prestations informatiques associées »).

Rappelons que, pour un marché classique, aucune disposition du précédent code ne garantissait un droit d’exclusivité au titulaire (sauf clause particulière au contrat), exception faite des marchés à bons de commande, l’article 77 laissant une faible marge à l’acheteur pour recourir à un autre prestataire (le montant cumulé de tels achats ne pouvant dépasser 1 % du montant total du marché en cours, ni la somme de 10 000 euros HT) et en garantissant le minimum de commandes prévu au premier marché.

Rappelons également que la question de cette exclusivité a fait l’objet d’un récent débat du fait de la rédaction de l’article 78 du décret n° 2016-360.

Évincée de cette seconde consultation, la requérante n’a alors plus reçu aucune commande. Elle a donc adressé un courrier au maître d’ouvrage le 18 janvier 2012, arguant de la similitude flagrante des deux marchés et menaçant d’un recours.

En toute rigueur et sur le fond, on ne peut que reconnaître qu’elle était dans son bon droit.

Néanmoins le juge va la débouter pour vice de forme. En effet, prise dans son élan courroucé, l’entreprise a omis de respecter le formalisme imposé par le CCAG-FCS pour émettre une réclamation, à savoir : identifier le point litigieux, présenter précisément les chefs de la contestation, indiquer les sommes demandées, leurs bases de calcul et les motifs de ces demandes.

Ainsi, selon une jurisprudence récurrente, ne constituent pas un mémoire une simple facture, ni un courrier comportant uniquement le chiffrage de coûts supplémentaires, ni un mémoire non assorti de justifications suffisantes, ni une simple demande de supplément d'honoraires.

Une décision semblant objectivement injuste, mais justifiée… par les engagements contractuels réciproques !

Sources :

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