Un prix n'est pas que monétaire, mais il ne peut pas être modifié unilatéralement, rappelle le juge du fond

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Par un arrêt du 19 mars 2013, la cour administrative d’appel de Paris a donné une nouvelle illustration de la plasticité de la notion de prix dans les marchés publics : même une contrepartie en nature est considérée comme un prix.

En l’espèce, la ville de Paris avait confié à une société l'organisation du libre accès du public à un tournoi sportif sur son domaine public à partir du 25 juin. Cette occupation consistait en l’installation d’une buvette, d’un restaurant et de lignes de ventes. Selon les stipulations contractuelles, la ville demandait que les spectateurs soient pris en charge par la société, contre un prix de 180 000 €. Ce prix devait être réglé à hauteur de 150 000 € par la mise à disposition gratuite du domaine public. Une fois la prestation réalisée, la société a reçu de la part de la commune une demande de paiement pour l’occupation du domaine public pour la buvette, le restaurant et les magasins.

Le titulaire a contesté cette demande en arguant que seule l’occupation pour la buvette était prévue payante dans les documents de consultation. Le juge de première instance lui donne tort. La ville de Paris avait en effet mis en avant une décision antérieure à l’exécution du marché (le 29 mai) qui fixait un prix au mètre linéaire pour la buvette et les ventes. La juridiction d’appel ne suit pas le tribunal administratif et fonde sa décision d’une part sur les stipulations contractuelles et d’autre part sur l’absence de notification au titulaire de la décision du 29 mai.

Cet arrêt illustre deux questions importantes du droit des marchés publics.

Premièrement, un marché public peut avoir pour contrepartie à la prestation effectuée une rémunération en nature. Selon l’article premier du Code des marchés publics, un marché public est toujours un contrat conclu à titre onéreux par un pouvoir adjudicateur. Si la condition de pouvoir adjudicateur appelle peu de remarques, la condition du prix est plus problématique. Depuis 2001 (CJCE, 2 juillet 2001, Ordine degli architetti delle Province di Milano e Lodi, aff. C-399/98), le juge communautaire considère comme un prix le fait que le pouvoir adjudicateur ne fasse pas payer une taxe ou une redevance. Ce raisonnement a été internalisé par deux arrêts du Conseil d’État en 2005 (CE, 4 novembre 2005, Société Jean-Claude Decaux, n°s 247298 et 247299). Le législateur, en introduisant en 2001 la notion d’« onéreux », n’entendait pas limiter les contreparties à leur dimension purement monétaire, mais bien à toutes les contreparties valorisables financièrement. Le fait de ne pas payer une taxe, une redevance ou une indemnité d’occupation relève bien de cette définition.

Deuxièmement, un marché public est, comme tous les contrats administratifs, ouvert aux prérogatives de la puissance publique. Le pouvoir adjudicateur peut ainsi en modifier les termes unilatéralement pour un motif d’intérêt général (CE, 2 février 1983, Union des transports publics, n° 34027). Ce principe ne connaît qu’une exception : les clauses financières. Le titulaire d’un marché public est donc toujours à l’abri d’une modification de l’équilibre financier du contrat (CE, 16 janvier 1946, Ville de Limoges). Pour modifier les stipulations relatives au prix, il faut donc, sauf cas particulier, recourir à un avenant : seule la commune intention des parties garantit l'équilibre financier de la convention.

Le juge rappelle ici deux principes bien connus… mais qu’il ne faut jamais perdre de vue.

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