Responsabilité du maître d’ouvrage en cas de retard d’exécution imputable à une faute du maître d’ouvrage délégué

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S’il est de jurisprudence constante que la responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage, vis-à-vis de l’un de ses maître d’œuvre, ne saurait être recherchée en cas de faute commise par les entreprises en charge d’autres lots d’un marché public (CE, 15 mai 2013, Région de Haute-Normandie, n° 352917), il en va toutefois autrement lorsqu’un tel manquement est dû au maître d’ouvrage délégué. Tel est du moins ce que rappelle cet arrêt rendu le 22 septembre 2015 par la cour administrative d’appel de Douai.

En l’espèce, le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de l’Eure avait attribué à la société Ateliers Bois et Cie le lot « charpente métallique – bardage » d’un marché public de travaux portant sur la construction d’un nouveau centre d’incendie et de secours sur le territoire de la commune de Beuzeville. Au cours de l’exécution du marché, cette société avait demandé, à plusieurs reprises, l’intervention du maître d’ouvrage délégué en raison de plusieurs retards dans l’avancement du chantier imputables à des entreprises en charge d’autres lots. Face à l’inertie de ce dernier, celle-ci lui avait finalement adressé un mémoire de réclamation de manière à obtenir réparation pour les préjudices qu’elle avait subis du fait de ses divers retards. Or, si le maître d’ouvrage délégué ne contesta pas le principe même de l’indemnisation, un désaccord sur son montant conduisit la société Ateliers Bois et Cie à saisir le tribunal administratif de Rouen afin d’obtenir l’entière réparation de ses préjudices. Le juge administratif de première instance ayant favorablement accueilli les demandes de la société requérante, le SDIS de l’Eure décida donc de faire appel.

L’initiative demeura toutefois vaine puisque la cour administrative d’appel de Douai rejeta les demandes du SDIS. Le juge administratif d’appel confirma effectivement le jugement rendu en ce qu’il avait retenu sa responsabilité contractuelle en raison de l’allongement de la durée du chantier dû à la carence de son maître d’ouvrage délégué. Selon la convention de mandat conclue entre le SDIS et son maître d’ouvrage délégué, il incombait à ce dernier d’assurer un suivi des travaux et de trouver des solutions pour remédier aux anomalies constatées dans les délais de déroulement de ces travaux. Or, en l’espèce, le maître d’ouvrage délégué s’était contenté de renvoyer la société Ateliers Bois et Cie vers les entreprises retardataires lorsque celle-ci l’avait averti des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de son calendrier de travaux. La faute du maître d’ouvrage délégué était donc acquise, entraînant ainsi la responsabilité contractuelle sans faute du maître d’ouvrage en raison des manquements imputables à son mandataire. Si cette solution peut apparaître particulièrement contraignante pour le maître d’ouvrage, il convient cependant de rappeler que celui-ci pourra tout de même se retourner ensuite contre son maître d’ouvrage délégué (CE, 7 juin 2010, Commune de Mantes-la-Jolie, n° 313638).

Cet arrêt rendu le 22 septembre dernier est donc l’occasion de rappeler qu’il est toujours possible, pour le titulaire d’un lot d’un marché public, de rechercher la responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage, même en cas de retard imputable aux titulaires d’autres lots du marché, dès lors que son maître d’ouvrage délégué n’a pas pris les mesures nécessaires pour remédier à pareilles difficultés.

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