Résiliation unilatérale par l’administration et indemnisation du titulaire : le respect du contrat prime

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Le juge administratif ne peut dénaturer le contenu du contrat lorsqu’il recherche la commune intention des parties. Si le principe n’est pas nouveau et semble, à ce titre, plutôt relever du poncif, la haute juridiction administrative a récemment eu l’occasion d’en rappeler toute la vigueur.

Une société de location de photocopieurs, la société Leasecom, avait conclu un contrat de location de quinze de ses appareils avec le ministère de la Justice pour une durée totale de douze semestres à compter du 1er janvier 2004. Au terme seulement de six semestres d’exécution des prestations, le ministère de la Justice prit cependant la décision de résilier le contrat.

Conformément aux règles relatives à la mise en œuvre du pouvoir de résiliation unilatérale de l’administration à l‘égard des contrats administratifs (CE, Ass. 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, n° 32401), le tribunal administratif de Marseille accorda à la société Leasecom une indemnité correspondant aux pertes et au manque à gagner subis du fait de la résiliation.

Tel ne fût cependant pas le point de vue de la cour administrative d’appel de Marseille qui, sur l’appel interjeté par le garde des Sceaux, refusa toute indemnité au titulaire. Selon cette dernière, la commune intention des parties avait été de « conférer au locataire la faculté de résilier pour tout motif le contrat au terme de chaque année  […] en modifiant la durée initiale du contrat […] et de déroger ainsi aux conditions générales de location prévues au contrat selon lesquelles en cas de résiliation anticipée quelle qu'en soit la cause, le bailleur aura droit à une indemnité égale à tous les loyers dus et à échoir jusqu'au terme de la période initiale de location majorés de 10 % ». Étant intervenue à la fin de l’année 2005, cette résiliation ne rentrait donc pas le champ des résiliations anticipées.

Le Conseil d’État sanctionne toutefois cette analyse en annulant l’arrêt rendu par le juge d’appel.

S’il est encore loisible au juge administratif de s’essayer à quelques interprétations sophistiquées du contrat, celui-ci ne peut pas pour autant s’affranchir de la lecture de l’ensemble de ses clauses. Or, la haute juridiction administrative relève qu’en l’espèce, les conditions particulières du contrat prévoyaient également que celui-ci était « résiliable chaque année, l’indemnisation de résiliation étant fixée à la somme des loyers restant dus majorés de 10 % ». La Cour administrative d’appel avait ainsi dénaturé les pièces du dossier.

De la sorte, si l’indemnisation du cocontractant de l’administration en cas de résiliation unilatérale est un droit auquel le principe de liberté contractuelle permet de déroger (CE, 10 déc. 1982, Loiselot, no 22856), le juge ne peut dénaturer le contenu du contrat lorsqu’il recherche la commune intention des parties.

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