Refuser de céder ses droits de propriété intellectuelle : un motif valable pour évincer un candidat !

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Une offre irrégulière, et dont les conditions d’irrégularité ne proviennent pas d’une procédure de sélection lésant le candidat, doit toujours être rejetée. Le Conseil d’État a eu l’occasion d’affirmer ce principe dans un arrêt du 2 octobre dernier. Et, fort de ce contexte, en a profité pour soumettre un peu plus les éditeurs de logiciels au bon vouloir des acheteurs publics.

Les faits de l’espèce sont cruciaux pour comprendre les deux apports de cet arrêt. Un département a lancé la procédure d’attribution d’un marché à procédure adaptée « en vue de la passation d'un marché ayant pour objet la création d'une application numérique mobile de découverte du patrimoine naturel et bâti ». Le cahier des charges de la consultation impose la cession, à titre exclusif, des droits de propriété intellectuelle attachés à l'application mobile en question.

L’offre de l’un des candidats ne se pliait pas à cette exigence. À l’issue de la consultation, cette offre, pourtant irrégulière car, certes répondant au besoin du pouvoir adjudicateur, mais en ne respectant pas le cahier des charges, est classée à la troisième place. Le marché est ainsi confié à un autre candidat.

Le candidat évincé a demandé, et obtenu du juge du référé précontractuel l’annulation de la procédure de passation, alors que le département avançait que l’offre étant irrégulière, il ne pouvait de toute façon pas la retenir. Pour le juge du référé précontractuel, dès lors que l’offre a été examinée et classée, le pouvoir adjudicateur ne peut opposer au candidat l’irrégularité de son offre.

Le Conseil d’État contredit ce raisonnement… et annule la décision du juge du référé.

Évoquant l’affaire, les juges du Palais Royal statuent alors au fond, ce qui leur permet de traiter la question de la cession, à titre exclusif, des droits de propriété intellectuelle.

Le Conseil d’État souligne que le pouvoir adjudicateur « a pu légalement choisir, eu égard à la nature de son besoin, de disposer, à titre exclusif, de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle attachés à l'application en cause ; qu'il n'a, ce faisant, imposé aucune contrainte technique susceptible de porter atteinte au principe de libre accès à la commande publique ». En effet, la cession des droits de propriété intellectuelle porte sur la seule application numérique, ce qui ne conduit ni à une cession globale, ni à écarter les solutions portées par les éditeurs de logiciels libres.

Une telle solution emporte des conséquences importantes pour les acheteurs comme pour les candidats : tant que la cession de droit ne s’applique qu’à l’objet du contrat, alors elle est licite au regard à la fois du principe de libre accès à la commande publique et de l’article L. 131-1 du Code de propriété intellectuelle.

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