Recours du sous-traitant contre le seul entrepreneur principal : absence d’effet interruptif de la prescription quadriennale

Publié le

Véritable « billard à trois bandes », la sous-traitance réserve toujours quelques surprises pour ses protagonistes ; par exemple lorsque le sous-traitant pense préserver ses droits en agissant contre l’entrepreneur principal, mais néglige de mettre en cause la personne publique, au profit de laquelle court la prescription quadriennale.

Dans cette affaire, le département du Val-de-Marne avait attribué un marché de reconstruction d’un collège à la société Levaux, laquelle avait sous-traité une partie des prestations à la société Solotrat. Le département avait, par acte spécial, accepté cette sous-traitance et agréé les conditions de son paiement direct. Rencontrant des difficultés de paiement, la société Solotrat a assigné l’entrepreneur principal devant le tribunal de commerce. Le sous-traitant a obtenu gain de cause mais, la société Levaux ayant été mise en liquidation judiciaire, a décidé par la suite de saisir le juge administratif d’une requête en référé provision contre le département, au titre de son droit au paiement direct.

Accordée par le juge de première instance, la provision lui fut refusée par le juge d’appel puis par le Conseil d’État, lesquels ont opposé la prescription quadriennale.

Certes, il résulte de l’article 2 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 que la prescription est interrompue par « [...] tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l’existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l’auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l’administration qui aura finalement la charge du règlement n’est pas partie à l’instance [...] » ; ce qui pourrait laisser entrevoir une acception large des causes d’interruption. Néanmoins, de longue date, le Conseil d’État juge que l’interruption de la prescription en cas de recours juridictionnel est nécessairement subordonnée « à la mise en cause d’une collectivité publique » (en ce sens, CE, 24 juin 1977, no 96584, Commune de Férel).

Au cas présent, les recours introduits par le sous-traitant devant les juridictions commerciales n’étaient dirigés qu’à l’encontre du seul entrepreneur principal, sans mise en cause d’une quelconque personne publique (à plus forte raison du département) ; de sorte que de tels recours ont été privés de tout effet interruptif.

De nouveau, donc, la vigilance s’impose plus que jamais aux sous-traitants.

Sources :