Réception avec réserves : ne pas confondre OPR et décision de réception

Par François Fourmeaux

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Dans l’exécution des marchés de travaux, le diable se niche toujours dans les détails, surtout quand le contrat touche à sa fin… Les contentieux relatifs à l’établissement du décompte sont prolifiques ; ceux relatifs à la réception des prestations également, comme l’illustre cette décision de la cour administrative d’appel de Nancy.

Dans cette affaire, une communauté de communes avait confié à une société la réalisation du lot charpente d’un marché ayant pour objet la création d’un « Point accueil Petite enfance ». À l’occasion des opérations préalables à la réception (OPR), des malfaçons furent constatées. La collectivité adressa à la société une mise en demeure d’y remédier, restée sans effet.

À la suite de cela, fut dressé un procès-verbal de réception composé de 3 parties :

  • le PV des OPR, qui mentionnait expressément les réserves ;
  • la proposition du maître d’œuvre (réceptionner sans réserves) ;
  • la décision du maître d’ouvrage, à savoir une réception sans réserves « au vu du procès-verbal et de la proposition du maître d'œuvre qui précèdent ».

Pensant probablement avoir préservé ses droits par l’intermédiaire des réserves émises à l’occasion des OPR, la collectivité a ensuite voulu engager la responsabilité contractuelle de la société au titre des désordres affectant les prestations.

Cette demande est rejetée par la cour, au motif que la seule mention d'une réserve « dans la partie [du] document consacrée aux opérations préalables à la réception, ne suffit pas à établir que le maître de l'ouvrage entendait ne prononcer la réception qu'avec réserve dès lors que la décision qu'il a signée le 24 septembre 2008, d'ailleurs conforme à la proposition du maître d'œuvre, indique, sans ambigüité, que la réception est prononcée sans réserve ».

Comme cela ressort clairement de la lettre du CCAG applicable en l’espèce, le procès-verbal des OPR ne se confond pas avec la décision de réception elle-même, rendue au visa de celui-ci (CCAG Travaux 1976, art. 41.3). L’indication de réserves au stade des OPR ne permet donc pas de soutenir que, par une sorte d’effet de contamination, la réception serait elle-même prononcée avec réserves.

La cour en déduit logiquement que la décision de réception a mis fin aux relations contractuelles entre les parties, empêchant le maître d’ouvrage d’engager la responsabilité contractuelle de la société du fait des malfaçons constatées lors des OPR.

En effet, la décision de réception « met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage » et ce n’est que si elle est prononcée avec réserves que « les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs se poursuivent au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves » (CE, 20 mars 2013, n° 357636, Centre Hospitalier de Versailles).

Que les maîtres d’ouvrage ne s’y trompent donc plus : il est impératif que la décision de réception elle-même soit expressément prise, le cas échéant, « avec réserves ».

Sources :

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