Rappel des conditions de qualification d’un mémoire en réclamation

Par François Fourmeaux

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Source d’un contentieux incessant, le casse-tête procédural des réclamations préalables à la saisine du juge constitue un piège pour nombre de titulaires de marchés. Un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 20 juillet dernier en offre une nouvelle illustration.

Dans cette affaire, la commune de Drancy avait conclu avec une société un marché ayant pour objet l'acquisition et l'installation de caméras dans des véhicules de la police municipale. De nombreux retards et dysfonctionnements ayant émaillé la réalisation des prestations, une réception avec réserves fut prononcée, suivie de nouvelles interventions du prestataire restées partiellement infructueuses.

La société, après avoir sollicité en vain auprès de la commune le paiement du marché par diverses correspondances, a saisi le juge de première instance, lequel lui a opposé l’irrecevabilité de sa demande.

Cette irrecevabilité est confirmée par la cour, au visa de l’article 37.2 du CCAG-FCS du 19 janvier 2009, applicable au marché litigieux, qui dispose que « tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ».

Le respect scrupuleux de ces dispositions est capital car il conditionne définitivement la recevabilité des actions contentieuses qui seront menées par le titulaire du marché (par exemple, pour l’irrecevabilité d’un référé-provision non précédé de la procédure préalable de réclamation, voir CE, 16 déc. 2009, Société d’architecture groupe 6).

Au cas présent, la cour précise tout d’abord la date à laquelle le différend doit être considéré comme apparu (et à compter de laquelle court donc le délai de deux mois). Elle retient que c’est à l’expiration du délai de mise en demeure de régler le marché qui avait été fixé par l’entreprise dans l’un de ses courriers. La société avait indiqué que, passée cette date, « elle saisirait son service contentieux afin de procéder au recouvrement de cette créance, y compris par voie contentieuse ».

La cour vérifie ensuite que la société ait adressé un véritable mémoire en réclamation.

La jurisprudence a en l’occurrence déjà été abondamment saisie de la question de l’appréciation des deux critères de fond – exposé des motifs du différend et indication du montant des sommes réclamées – nécessaires à la qualification d’un tel mémoire (voir, notamment, en application du CCAG-Travaux : CE, 28 déc. 2001, n° 216642, Société Rufa ; CE, 26 mars 2003, n° 231344, Société Deniau).

Au cas présent, les différents courriers émis par la société constituaient, en substance, des relances de factures impayées. La cour en déduit qu’ils ne peuvent être qualifiés de mémoire en réclamation au sens de l’article 37.2 précité, faute de contenir « de manière précise et détaillée, les chefs de [la] réclamation ».

La plus grande vigilance s’impose donc aux titulaires dans la formalisation de leurs échanges avec la collectivité en cas d’apparition d’un différend.

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