Projet de loi relatif au statut de Paris : quelles dérogations aux règles de la commande publique ?

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Présenté en conseil des ministres le 3 août 2016, le projet de loi relatif au statut de Paris vient d’être transmis pour seconde lecture au Sénat à partir du 7 février prochain. L’occasion donc de faire le point sur ce projet de loi qui vise la modification du statut de la ville de Paris, ainsi que l’amélioration des outils au service de l’aménagement des métropoles, et prévoit à cette fin plusieurs dérogations aux règles de la commande publique.

En effet, l’article 40 octies du projet de loi complète l’article 35 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics de manière à inclure une nouvelle hypothèse de marché public global sectoriel. Il s’agit des marchés relatifs à la construction et l’aménagement des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris ou des infrastructures de transport public dont la maîtrise d’ouvrage aura été confiée à la Société du Grand Paris.

Conformément à l’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, ces marchés ne seront donc pas obligatoirement soumis au principe de l’allotissement ! Cette disposition devrait ainsi permettre de garantir le respect du calendrier fixé pour la réalisation des travaux du Grand Paris Express comme le soulignait Jean-Yves Le Bouillonnec, alors rapporteur de la Commission des lois au moment de la première lecture du texte au Parlement. Dans cette perspective, rappelons que la société du Grand Paris vient tout juste d’ailleurs d’attribuer le marché relatif à la réalisation du tronçon Créteil-Villejuif de la Ligne 15 Sud, d’une valeur de 968 millions d’euros, à un groupement d’entreprise représenté par Bouygues Travaux Publics.

Le texte envisage également la création d’une nouvelle structure juridique dédiée à l’aménagement : les sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national.

Conformément à l’article 36 du projet de loi, ces sociétés seront compétentes pour organiser, réaliser ou contrôler toute opération ou action d’aménagement relevant à la fois de la compétence de l’État et de ses établissements publics, ainsi que de celle des collectivités et de leurs groupements. L’objectif poursuivi est ainsi de permettre une intervention conjointe de l’État et des collectivités dans le cadre des opérations d’aménagement présentant un intérêt commun, ce qui n’était jusqu’alors pas envisageable dans le cadre d’une société publique locale classique. L’article 36 du projet de loi précise effectivement que les sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national devront être composées de l’État ou de l’un de ses établissements publics, ainsi que d’au moins une collectivité ou un groupement de collectivités.

S’agissant du régime applicable aux sociétés publiques d’aménagement d’intérêt national, celles-ci seront soumises au régime général des sociétés publiques locales d’aménagement, tout en bénéficiant de dispositions spécifiques également prévues par le projet de loi.

À cet égard, il convient d’ailleurs de souligner la persistance du désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat quant à la répartition du capital et des droits de vote au sein de ce nouveau type de structures. Pour mémoire, le Sénat avait souhaité que les collectivités membres d’une société publique locale d’aménagement d’intérêt national détiennent au moins 50 % du capital et des droits de vote, mais également que la participation et les droits de vote de l’État ou de ses établissements publics soient plafonnés à 32 % au sein de la société. La version adoptée par l’Assemblée nationale le 17 janvier dernier est toutefois revenue sur ces points. Désormais, les collectivités membres d’une société publique locale d’intérêt national devront seulement détenir au moins 35 % du capital et du droit de vote de la société. Ne reste donc plus qu’à voir si les sénateurs valideront pareille modification du texte avant son adoption définitive…

De façon plus générale, est-il besoin de souligner que ces sociétés publiques locales d’aménagement d’intérêt national bénéficieront également, à l’instar des sociétés publiques locales d’aménagement classiques, de l’exception in house, sous réserve bien sûr que ses actionnaires exercent sur la société un contrôle à celui qu’ils exercent sur leurs propres services et que cette société exercent l’essentiel de son activité pour le compte de ces actionnaires (CE, 6 nov. 2013, no 365079, Commune de Marsannay-la-Côte). Le recours à ces sociétés pourra donc se faire sans publicité ni mise en concurrence préalable !

Sources :