Procédure d’établissement du DGD tacite

Par Jessica Serrano Bentchich

Publié le

Dans un arrêt n° 417738 du 25 juin 2018, le Conseil d'État a précisé la procédure à respecter pour les entreprises, titulaires d’un marché public de travaux, en vue d’obtenir un décompte tacite général et définitif du marché. Cet arrêt est l'occasion de rappeler les différentes étapes du règlement financier des marchés publics de travaux et les notions clefs y afférentes à maîtriser tant pour les maîtres d’ouvrage que pour les entreprises de travaux.

Les règles de réception des travaux et du règlement final du marché sont précisées dans le CCAG-Travaux aux articles 41 pour les opérations de réception et 13 s’agissant du règlement financier et présentées dans le schéma. Le maître d’ouvrage peut prévoir des dérogations à ces règles dans le CCAP.

L’arrêté du 3 mars 2014 a modifié l’article 13 du CCAG-Travaux en instaurant un mécanisme d’acceptation tacite du DGD lorsque le maître d’ouvrage ne notifie pas expressément à l’entreprise le DG de son marché. Ce mécanisme avait jusqu’alors été refusé par le juge administratif (CE, 27 mai 1998, n° 128094, Société Nicoletti).  

Dans l’arrêt commenté, l’entreprise souhaitait obtenir le règlement du solde de son marché, ainsi que l’indemnisation de ses surcoûts, la société Merceron TP a donc « adressé au maître d'ouvrage son projet de décompte final (PDF), assorti d'un mémoire de réclamation portant sur une demande de rémunération complémentaire (DRC) de 134 950,14 euros hors taxes (HT) ».

Persuadée qu’un DGD tacite était intervenu, elle a saisi le juge du référé provision afin d’obtenir le règlement de ces sommes.

Le tribunal nantais, confirmé par la cour administrative d’appel, a rejeté ses demandes (CAA Nantes, 12 janv. 2018, n° 17NT00835, Société Merceron TP).

Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État devait se prononcer sur la question de savoir si un DGD tacite était entré dans l’ordonnancement juridique du fait du silence gardé par la communauté de communes de l'île de Noirmoutier.

Le juge du Palais Royal va regarder si l’entreprise a respecté la procédure d’établissement du décompte.

Qu’est-ce que l’entreprise avait fait ? Après la réception des travaux sans réserve intervenue le 15 avril 2015 et la réception de la décision de réception du MOA le 18 mai 2015, l’entreprise avait adressé son PDF, assorti d’une DRC, uniquement au MOA le 31 juillet 2015. Le 23 octobre 2015, elle notifie au MOA son PDG.

Dès lors qu’elle n’a pas également transmis son PDF et sa DRC au MOE, elle ne pouvait pas valablement établir un PDG susceptible de faire naître un DGD tacite ainsi que la cour d’appel le précise dans son arrêt « la société Merceron TP ne pouvait valablement présenter un projet de décompte général susceptible de faire naître, en application de ces stipulations, un décompte général et définitif (DGD) tacite ; qu’ainsi, les requérantes ne peuvent être fondées à se prévaloir de l’existence d’un décompte général et définitif tacite qui permettrait de regarder le document que lui a adressé la communauté de communes le 20 novembre 2015 comme ne constituant pas lui-même un décompte général ».

Pourquoi ? Le délai imparti au pouvoir adjudicateur pour notifier le décompte général n’avait pas commencé à courir « […] qu’il suit de là que le délai de trente jours donné par l’article 13.4.2 des stipulations précitées au représentant du pouvoir adjudicateur pour notifier au titulaire du marché le décompte général n’a pas couru » (CCAG-Travaux, art. 13.4.2).

Le Conseil d’État estime donc que la cour d’appel n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de droit : « Considérant qu'il résulte de la combinaison des stipulations citées aux points 2 et 3 que, même si elle intervient après l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article 13.3.2 du CCAG Travaux, courant à compter de la réception des travaux, la réception, par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, du projet de décompte final, établi par le titulaire du marché, est le point de départ du délai de trente jours prévu à l'article 13.4.2, dont le dépassement peut donner lieu à l'établissement d'un décompte général et définitif tacite dans les conditions prévues par l'article 13.4.4 ; que, toutefois, dès lors qu'en application de l'article 13.4.2, l'expiration du délai de trente jours prévu par celui-ci est appréciée au regard de la plus tardive des dates de réception du projet de décompte final respectivement par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, ce délai ne peut pas courir tant que ceux-ci n'ont pas tous deux reçus le document en cause ».

Pour qu’un DGD tacite puisse valablement naître, l’entreprise travaux doit transmettre son PDF et sa DRC simultanément au MOE et au MOA. Ce n’est qu’après l’expiration d’un délai de 30 jours que l’entreprise peut notifier un PDG incluant sa DRC qui sera susceptible de faire naître un DGD tacite. Le Conseil d'État précise également le dies a quo du délai de carence, à savoir 30 jours à compter de la date de réception « la plus tardive » du PDF par le MOA et le MOE.

La vigilance s’impose pour l’ensemble des intervenants à l’acte de construire. 

Pour l’entreprise, il convient de bien respecter les procédures fixées par le CCAG-Travaux ou/et le CCAP qui peut y déroger.

Quant au maître d’ouvrage, il pourrait soit supprimer le mécanisme du décompte tacite en prévoyant une dérogation en ce sens dans son CCAP, sauf à ce que le Conseil d’État légifère en sens contraire, soit élaborer une clause prévoyant une procédure qui serait plus sécurisante pour lui.

RÉCEPTION avec ou sans réserve

Notification de la décision de réception ou

selon les articles 13.3.2. et 41 CCAG travaux

 

« PDF » : projet de décompte final

Établi par l’entreprise et notifié au MOE + MOA par LRAR (CCAG-Travaux, art. 13.3.2)

Délai : 30 jours

Contenu : solde des travaux de base + DRC (demande de rémunération complémentaire) pour des TS ou modificatifs ainsi que tous les surcoûts subis.

 

« PDG » : projet de décompte général

Etabli par le MOE et transmis au MOA

(CCAG-Travaux, art. 13.4.1)

Prévoir un délai dans le CCAP MOE + pénalité

Contenu : décompte final (= PDF de l’entreprise rectifié ou accepté par le MOE) et éléments de l’article 13.4.1 du CCAG travaux et surcoûts MOA.

 

« DG » : décompte général exprès

PDG signé par le MOA et notifié à l’entreprise par LRAR – OS (CCAG-Travaux, art. 13.4.2, 13.4.3. et 13.4.5)

Délai :  30 jours après la date la plus tardive de réception de la notification du PDF + DRC par le MOE et MOA

Signé par l’entreprise sans réserve = DGD = décompte général et définitif

Signé avec réserves : mémoire en réclamation dans le respect des articles 13 et 50 CCAG-Travaux

  

RÉCEPTION avec ou sans réserve

Notification de la décision de réception ou

30 jours selon l’article 13.3.2. CCAG-Travaux

 

« PDF » : projet de décompte final

Établi par l’entreprise et notifié au MOE + MOA par LRAR (CCAG-Travaux, art. 13.3.2)

Délai : 30 jours

Contenu : solde des travaux de base + DRC (demande de rémunération complémentaire) pour des TS ou modificatifs ainsi que tous les surcoûts subis.

 

 

Inertie du MOA

« PDG » : projet de décompte général

Établi par l’entreprise et notifié au MOA + copie MOE par LRAR (CCAG-Travaux, art. 13.4.2 et 13.4.4)

Délai : 30 jours après la date la plus tardive de réception de la notification du PDF + DRC par le MOE et MOA.

 

« DGDT » : décompte général et définitif   tacite (CCAG-Travaux, art. 13.4.4)

Si le MOA ne notifie pas dans un délai de 10 jours à l’entreprise son DG, le PDG de l’entreprise devient le DGDT.

 

Sources :