Première illustration d'une exonération de la responsabilité pour dommages de travaux publics

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Une cour administrative d’appel a donné, par un arrêt du 9 juillet 2013, une première illustration, à notre connaissance, d’une exonération de responsabilité sans faute pour un dommage causé par des travaux publics.

Le cas d’espèce est un ensemble de faits qui pourraient intervenir à tout moment dans un marché public de travaux : le titulaire d’un marché portant sur la rénovation du réseau d'eau potable d’une commune a endommagé avec une pelle mécanique une conduite de gaz souterraine appartenant à la société Gaz réseau distribution de France (GRDF). La société victime a demandé la réparation de son dommage au titre de la responsabilité sans faute de l’entreprise réalisant des travaux publics pour le compte de l’administration.

En première instance, le juge du fond rejette son argumentation. La société de distribution de gaz fait appel de cette décision, dont elle demande l’annulation et l’évocation du litige. La cour d’appel refuse d’annuler la décision du tribunal administratif et juge en conservant l’effet dévolutif de l’appel.

Pour la juridiction d’appel, la responsabilité du titulaire ne peut pas être engagée car une exonération pour force majeure peut lui être appliquée. Appliquant le décret du 14 octobre 1991, il avait demandé les plans des ouvrages risquant d’être endommagés. Or, GRDF n’avait pas communiqué la position de celui touché par les coups de pelleteuse, mais s’était contenté de lui transmettre des documents-types.

La question illustrée porte autant sur la qualification de dommages de travaux publics, qui suivent un régime de responsabilité sans faute, que sur les possibilités d’échapper à cette responsabilité.

Le juge débute son raisonnement en rappelant le principe suivant : « une entreprise est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que l'exécution des travaux publics dont elle est chargée pour le compte d'une collectivité publique peut causer aux tiers ». Ce régime de responsabilité sans faute pour les travaux publics a pour source la loi du 28 pluviôse de l’an VIII, et a été analysé par la doctrine comme la conséquence des dommages permanents, c’est-à-dire inhérents, à l’activité de travaux publics. En substance, les tiers ne peuvent s’opposer au lancement de travaux publics ni au fait que ceux-ci causent des dommages, mais ils ont droit à être indemnisé sans devoir prouver une faute. Comme tout régime de responsabilité sans faute, la seule source d’exonération est la démonstration par l’administration d’un cas de force majeure (ou d’une faute de la victime revêtant les caractères de la force majeure, à savoir être un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur). Relever ces critères dans un cas concret relève de l’appréciation souveraine des faits par le juge du fond.

Or, pour les juges d’appel, l’absence de communication par un tiers des documents propres à signaler les ouvrages menacés, si cela est demandé sur la base d’un texte, est, pour la première fois, caractéristique de la force majeure. Rappelons en effet que le juge avait refusé d’analyser ainsi d’autres circonstances, par exemple en considérant que le fait que « le branchement de gaz endommagé n'était pas à la profondeur réglementaire et qu'il n'était pas signalé par un " grillage avertisseur " » n’était pas constitutif d’un cas de force majeure (CAA Lyon, 14 février 2013, Société Gaz Réseau Distribution France (GRDF), n° 12LY01485).

Titulaires de marchés publics comme pouvoirs adjudicateurs doivent déclarer leur intention de commencer les travaux aux entreprises susceptibles d’exploiter des installations en réseau dans la zone, afin de les mettre en position pour qu’ils communiquent toutes les informations disponibles. Les juges du fond rechignent désormais à appliquer la responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics hors de toutes considérations de diligence.

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