Peut-on exclure une offre qui ne respecterait pas une obligation jurisprudentielle non reprise par les documents du marché ?

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Par une décision préjudicielle rendue le 10 novembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne a notamment eu l’opportunité de rappeler qu’il n’était pas possible de rejeter une offre au motif que cette dernière ne respecterait pas une obligation qui résulterait non pas des documents de marchés ou de la réglementation nationale, mais du non-respect d’une interprétation jurisprudentielle de cette règlementation.

En l’espèce, la commune de Maiolati Spontini avait lancé un appel d’offres en vue de la passation d’un marché public de travaux portant sur la construction d’un ensemble scolaire. Les sociétés Edra Costruzioni Soc. Coop. et Edilfac, qui s’étaient portées candidates à l’attribution du marché, avaient cependant vu leurs candidatures rejetées au motif que le prix de leurs offres économiques ne mentionnait pas les coûts internes de sécurité au travail, et ce alors même que cette obligation n’était pas prévue par les documents du marché.

En vertu de la législation italienne, les acheteurs publics étaient effectivement tenus de vérifier que le prix des offres présentées dans le cadre de la passation d’un marché public était adéquat et suffisant au regard du coût du travail et du coût afférent à la sécurité, lesquels devaient être spécifiquement mentionnés par les candidats. Or, par une décision d’assemblée plénière, le Conseil d’État italien avait précisé que les acheteurs publics devaient rejeter les offres ne présentant pas ces mentions, et cela même lorsque les documents du marché n’auraient prévu cette obligation. Dans une seconde décision, le Conseil d’État italien avait également indiqué que de telles offres ne pouvaient pas faire l’objet d’une régularisation.

Ainsi, la commune de Maiolati Spontini avait fait une stricte application des jurisprudences précitées en excluant les offres des sociétés Edra Costruzioni Soc. Coop. et Edilfac. S’estimant lésées, les deux sociétés avaient cependant saisi le juge administratif italien aux fins d’obtenir l’annulation de la décision d’exclusion de leurs offres et leur réadmission dans le cadre de la procédure. Ce dernier adressa alors une demande de décision préjudicielle à la CJUE afin de savoir si l’application des jurisprudences précitées du Conseil d’État n’étaient pas susceptibles de méconnaître les principes d’égalité de traitement et l’obligation de transparence, tels que mis en œuvre par la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 alors applicable.

Après avoir rappelé que la question posée avait déjà fait l’objet d’une question préjudicielle dans le cadre de l’affaire Pizzo (CJUE, 2 juin 2016, Aff. C-27/15), la CJUE insiste sur l’obligation pour les acheteurs publics de formuler des conditions et des modalités de procédure d’attribution à la fois claires, précises et univoques. L’objectif est ainsi non seulement de permettre à tous les candidats raisonnablement informés et diligents de présenter une offre conforme aux documents du marché, mais aussi de permettre aux acheteurs de vérifier que les offres correspondent bien aux critères régissant le marché en cause. De même, et eu égard à une obligation ne résultant ni des documents du marché, ni de la réglementation nationale, mais uniquement d’une interprétation jurisprudentielle de cette règlementation, l’acheteur public ne peut refuser d’accorder aux candidats un délai suffisant pour régulariser pareille omission. Comme l’avait déjà souligné la Cour de justice de l’Union dans sa décision Pizzo (CJUE, 2 juin 2016, Aff. C-27/15, Pizzo), les principes de transparence et d’égalité de traitement exigent en effet le respect de ces obligations par les acheteurs publics.

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