Passation des marchés à procédure formalisée

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Le régime des procédures de passation des marchés publics formalisés a fait l’objet de quelques précisions par le Conseil d’État lors des six derniers mois. Moins exposées à la critique que la passation des marchés à procédure adaptée car plus encadrées, les procédures formalisées doivent toujours garantir une information de qualité aux candidats tout en pouvant se permettre d’être souples à certains égards.

L’information des candidats est toujours un des points cruciaux pour le juge des contrats. Le Conseil d’État l’a rappelé à l’occasion de deux arrêts, avec certaines distinctions importantes.

Par un arrêt du 25 mars 2013 (CE, Société Cophignon, n° 364951), le Conseil d’État a illustré la différence existant entre un sous-critère assimilable à un critère de sélection (qui doit être impérativement communiqué aux candidats) et une modalité d’appréciation du critère (qui peut être communiquée). En l’espèce, les documents de consultation des entreprises n’informaient pas les candidats « que le critère du prix serait apprécié, à hauteur de 80 %, en fonction du montant total général porté au bordereau de prix unitaires remis aux candidats et, à hauteur de 20 %, en fonction du rabais consenti par les candidats sur le prix public des matériaux non identifiés dans le bordereau ». Le juge du fond a qualifié cette décomposition comme étant deux critères de prix. Les juges du Palais-Royal refusent cette interprétation et cassent l’ordonnance : un critère de prix a bien été défini par le pouvoir adjudicateur. Par contre, il lui appartient d’apprécier librement si ce critère a été rempli, le cas échéant en utilisant une pondération. Or, aucune disposition dans le Code des marchés publics n’impose la publicité des modalités d’appréciation du critère.

Le 5 juillet, le Conseil d’État a rendu un arrêt déterminant pour les modalités de publicité des contrats-cadres en reconnaissant que le pouvoir adjudicateur devait publier les critères d’attribution des marchés subséquents à l’accord-cadre. Une procédure d’appel d’offres avait été lancée pour un accord-cadre, puis annulée par le juge du référé précontractuel au motif d’une part que les critères d’attribution de l’accord-cadre ainsi que les conditions de mise en œuvre des critères autres que le prix n’avaient pas été publiés, et d’autre part que la pondération retenue ne permettait pas aux candidats de la comprendre. Le Conseil d’État a validé le raisonnement du juge du fond dans son ensemble.

Ces deux jurisprudences ne concernent certes pas les mêmes procédures de passation. Pour autant, elles permettent de dresser un portrait rapide et clair : le critère du prix, s’il doit toujours être publié, peut être apprécié librement par le pouvoir adjudicateur en utilisant des modalités d’appréciation non publiables ; les critères autres que le prix doivent être publiés et leur pondération (qui pourrait pourtant être lue comme une modalité d’appréciation) doit l’être également, même si ces critères n’entrent en jeu qu’au stade des procédures subséquentes à un accord-cadre.

La clarté du raisonnement du Conseil d’État se retrouve en matière de définition du besoin et de la procédure de passation. À l’occasion d’un arrêt du 11 mars 2013, le juge suprême de l’administration a affirmé pour la première fois qu’un marché complexe justifiant le recours à la négociation pouvait être passé selon des tranches fermes et des tranches conditionnelles dans un marché à bons de commande. L’espèce était particulière car elle concernait un marché portant « sur l'assurance collective en matière de prévoyance et sur les frais de soins de santé des personnels des chambres de commerce et d'industrie ». La centrale d’achat des autorités consulaires avait pour mission de rationnaliser l’architecture contractuelle de ces prestations en ne concluant plus qu’un contrat. La complexité d’une telle mission justifie, pour le juge, le recours à la négociation. Outre la procédure de passation dérogatoire au droit commun, le pouvoir adjudicateur a choisi de mener son achat par un marché à bons de commande avec des tranches fermes et des tranches conditionnelles, procédure annulée par le juge du fond. Or, souligne le Conseil d’État au visa de l’article 77 du Code des marchés publics, aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit une telle pratique… ce qui suffit pour fonder sa légalité !

Si le juge demande de la précision pour la publicité des critères de sélection dans les procédures formalisées, il reconnaît également qu'une mise en œuvre précise et technique ne violant pas les règles du Code des marchés publics est bien évidemment admissible.

Sources :

  • « Pour passer un accord-cadre, l'information des candidats sur les marchés subséquents est nécessaire » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 86
  • « La cohérence renforcée de la définition des sous-critères de sélection » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 80
  • « Dialogue compétitif, bons de commande et tranches conditionnelles : le Conseil d’État valide un montage complexe ! » – La Lettre Légibase Marchés publics n° 78