Nouvelle illustration en matière de clause de résiliation anticipée d’un contrat administratif au profit du cocontractant privé

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Par une décision remarquée du 8 octobre 2014, le Conseil d’État a admis la validité d’une clause de résiliation anticipée d’un contrat administratif au bénéfice du cocontractant privé de l’administration (CE, 8 oct. 2014, Société Grenke Location, no 370644). Cette décision est alors apparue comme une nouvelle atténuation du principe selon lequel le titulaire privé d’un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, cela même en cas de manquements ou de défaillances de la personne publique (CE, 7 oct. 1988, OPHLM de la ville du Havre, n°59729). Pour autant, cette nouvelle exception introduite par le juge administratif n’a pas non plus manqué de soulever plusieurs interrogations quant à ses conditions de mise en œuvre, ainsi que son régime. L’arrêt rendu le 2 avril 2015 par la cour administrative d’appel de Nancy est l’occasion de revenir sur ces deux difficultés.

En l’espèce, la commune de Neuville-Saint-Rémy avait conclu avec la société Grenke Location un contrat par lequel cette dernière s’engageait à louer à la commune un photocopieur pour une durée de cinq années. La commune ne payant plus les loyers, la société avait alors décidé de résilier le contrat, cela conformément à la clause de résiliation anticipée que contenait celui-ci. En outre, celle-ci avait également saisi le tribunal administratif de Strasbourg afin que la commune soit condamnée à lui verser l’indemnité prévue par le contrat en cas de résiliation anticipée. Le juge administratif rejeta cependant les demandes de la société Grenke Location qui décida d’interjeter appel. La cour administrative d’appel de Nancy confirma pourtant la décision de première instance en rejetant à nouveau les conclusions indemnitaires de la société. Cette dernière forma alors un pourvoi devant la haute juridiction administrative. L’initiative ne fût pas vaine puisque le Conseil d’État annula l’arrêt d’appel et renvoya l’affaire devant la cour administrative d’appel de Nancy.

Or, le juge administratif d’appel accepta cette fois-ci de faire droit aux conclusions indemnitaires de la société Grenke Location fondées sur la clause de résiliation anticipée insérée au contrat.

Conformément à la décision du Conseil d’État du 8 octobre 2014, la cour administrative d’appel de Nancy relève effectivement que le contrat ne porte pas directement sur l’exécution d’une mission de service public. À cet égard, le juge administratif d’appel relève, d’une part, que la commune ne démontre pas en quoi le photocopieur en cause était indispensable au fonctionnement des services publics qu’elle assurait, et, d’autre part, que celui-ci avait été remplacé par deux autres à la date de résiliation. Par ailleurs, le juge administratif d’appel relève que la commune a bien été mise en mesure de s’opposer à la rupture du contrat pour un motif d’intérêt général avant sa résiliation. La société Grenke Location avait effectivement mis en demeure la commune de lui régler les loyers dus en précisant, qu’à défaut de paiement, celle-ci résilierait le contrat en application de la clause de résiliation anticipée qu’il contenait. La commune n’ayant opposé aucun motif d’intérêt général à la résiliation, celle-ci devait alors être considérée comme régulière par le juge administratif d’appel.

Cet arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy permet ainsi de mieux appréhender les conditions d’application et le régime d’une clause de résiliation anticipée d’un contrat administratif qui serait rédigée au profit du cocontractant privée de l’administration. D’une part, si le juge estime que le contrat en cause ne portait pas directement sur l’exécution d’une mission de service public, la solution aurait peut-être été différente si celui-ci n’avait pas été remplacé juste après la résiliation du contrat. D’autre part, cet arrêt illustre aussi la nécessité, pour le titulaire privé du contrat administratif, de bien rédiger le courrier de mise en demeure. Il est effectivement utile que ce courrier précise que le cocontractant privé usera de sa faculté de résiliation unilatérale en cas de non-respect, par la personne publique, de ses obligations contractuelles.

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