Non, une erreur manifeste d’appréciation n'est pas un vice d'une particulière gravité...

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La jurisprudence « Béziers I » a offert au juge administratif la possibilité de moduler les conséquences sur la validité du contrat d’un vice l'affectant. Fondant son analyse sur le principe de loyauté contractuelle, le Conseil d’État a admis la possibilité pour le juge administratif de ne pas annuler un contrat dès lors que l’irrégularité invoquée ne tenait pas au caractère illicite de son contenu ou à un vice d’une particulière gravité affectant notamment les conditions dans lesquelles les parties avaient exprimé leur consentement (CE, Ass., 28 décembre 2009, no 304802). Par un arrêt rendu le 30 avril 2015, la cour administrative d’appel de Lyon a eu l’occasion de mettre en œuvre ce principe jurisprudentiel dans l’hypothèse d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le pouvoir adjudicateur.

La communauté de communes de Bièvre Est (CCBV) avait lancé un avis d’appel à la concurrence en vue de la passation d’un marché à procédure adaptée portant sur la construction de son siège. Candidate à l’attribution du lot relatif à l’étanchéisation de l’ouvrage projeté, la société Soprema Entreprises avait été informée du rejet de sa candidature par la communauté de communes.

Le candidat évincé avait alors saisi le tribunal administratif de Grenoble afin d’obtenir, d’une part, l’annulation du marché litigieux et, d’autre part, le versement de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant de son éviction irrégulière de la procédure de passation. La société Soprema Entreprises estimait en effet que le pouvoir adjudicateur avait commis une erreur manifeste d’appréciation en attribuant le lot qu’elle convoitait à la société Hors d’Eau. Le juge administratif de première instance ayant cependant refusé de faire droit aux demandes de la société requérante, cette dernière décida d’interjeter appel.

La cour administrative d’appel de Lyon annule le jugement rendu en première instance mais ne fait toutefois que partiellement droit aux demandes de la société Soprema Entreprises.

Si le pouvoir adjudicateur avait bien commis une erreur manifeste d’appréciation en attribuant le lot litigieux à la société Hors d’Eau, une telle irrégularité n’était effectivement pas susceptible d’emporter l’annulation du marché, cela notamment en l’absence de volonté de la collectivité de favoriser tel ou tel concurrent. Faisant application de la solution dégagée par la jurisprudence « Béziers I », le juge administratif d’appel refuse ainsi d’annuler le marché en l’absence de vice d’une particulière gravité affectant les conditions dans lesquelles les parties avaient exprimé leur consentement. L’erreur manifeste d’appréciation ne constitue donc pas en elle-même un vice d’une particulière gravité susceptible d’emporter l’annulation d’un marché public. Par ailleurs, ce marché ayant été entièrement exécuté, celui-ci se refuse également à prononcer sa résiliation. Dès lors, seules les conclusions indemnitaires du candidat évincé se trouvent finalement accueillies par le juge administratif d’appel.

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