L’intérêt transfrontalier doit être… certain, et non hypothétique !

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Le juge du droit de l’Union européenne n’a pas vocation à se prononcer sur toutes les affaires en matière de marchés publics. Cantonnée au contrôle du respect des normes dérivées des traités, notamment les directives et leur application en droit interne, la Cour de justice ne peut en principe avoir connaissance que des cas où la valeur du marché dépasse les seuils communautaires. Elle a toutefois étendu son contrôle aux marchés d’une valeur inférieure qui présentent un intérêt transfrontalier certain. À l’occasion d’une affaire franco-italienne, elle a précisé de nouveau ce que recouvre cette notion d’intérêt transfrontalier certain… et en l’espèce ce qu’elle ne recouvre pas.

Après avoir rappelé que la passation des marchés qui, eu égard à leur valeur, ne relèvent pas du champ d’application des directives en matière de passation des marchés publics, est néanmoins soumise aux règles fondamentales et aux principes généraux du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour autant que ces marchés présentent un intérêt transfrontalier certain (CJUE, 15 mai 2008, SECAP et Santorso, C‑147/06 et C‑148/06), elle en a rappelé le contenu. Parmi les critères de qualification de l’intérêt transfrontalier certain figurent le montant d’une certaine importance du marché en cause, en combinaison avec le lieu d’exécution des travaux ou encore les caractéristiques techniques du marché et les caractéristiques spécifiques des produits concernés. En l’espèce, le lieu d’exécution du marché était situé à moins de 200 kilomètres de la frontière franco-italienne (province de Cuneo, Italie) alors que figuraient parmi les soumissionnaires admis à participer à la procédure plusieurs entreprises italiennes établies dans des régions situées à 600, voire à 800 kilomètres de ce lieu.

Le juge rappelle toutefois que l’existence d’un intérêt transfrontalier certain ne saurait être déduite hypothétiquement de certains éléments qui, considérés de manière abstraite, pourraient constituer des indices en ce sens, mais doit ressortir de manière positive d’une appréciation concrète des circonstances du marché en cause. En d’autres termes, si des entreprises françaises avaient candidaté, peut-être l’intérêt transfrontalier aurait-il été retenu ; le fait que seules des entreprises italiennes l’aient fait, certes dans un rayon d’intervention très large ne suffit pas.

Il considère la demande de question préjudicielle irrecevable dès lors, en expliquant qu’ « il ne serait pas justifié de considérer qu’un marché de travaux tel que celui en cause au principal, qui porte sur un montant n’atteignant même pas le quart du seuil prévu par les règles du droit de l’Union et dont le lieu d’exécution est situé à 200 kilomètres de la frontière avec un autre État membre, puisse présenter un intérêt transfrontalier certain au seul motif qu’un certain nombre d’offres ont été déposées par des entreprises établies dans l’État membre considéré et situées à une distance considérable du lieu d’exécution des travaux en cause. »

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