Les pénalités comme sous-critère de la valeur technique : c’est possible !

Par Laurent Chomard

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La cour administrative de Versailles, par sa dernière décision, vient ajouter aux décisions des juridictions administratives, de plus en plus nombreuses, sur le sujet des méthodes de notation des offres. Son apport premier : la validation d’un surprenant sous-critère « pénalité de retard » reposant sur les propositions de pénalité de la part des opérateurs économiques eux-mêmes. Apport second plus pertinent, le raisonnement du juge pour valider la méthode de notation et de considérer que l'offre économiquement la plus avantageuse a été choisie, même si l’offre la moins chère n’a pas été retenue.

Dans le cadre d’une procédure adaptée, d’une opération de travaux comportant douze lots, afin de construire un gymnase, la communauté de communes (CC) de l’Arpajonnais a prévu que les offres seraient appréciées au regard du critère du prix à hauteur de 40 % et du critère de la valeur technique à hauteur de 60 % ; que le critère de la valeur technique est décomposé en quatre sous-critères, à savoir celui de la pertinence des moyens mis en œuvre pour respecter le planning, noté sur 20 points, celui de la prise en compte de la sécurité, noté sur 10 points, celui de la pertinence des procédés mis en œuvre, noté sur 20 points, et celui de la pénalité pour dépassement du délai fixé dans l'acte d'engagement, fixée par le soumissionnaire, noté sur 10 points.

La société Savoie Frères conteste la décision de la communauté de communes d’attribuer le lot 1 à la société Dubocq, au motif d’une méthode de notation irrégulière, puisque la différence de notes sur le sous-critère « pénalité » a permis cette attribution à la société Dubocq alors même qu’elle n’était pas la mieux placée sur les autres sous-critères et en particulier au regard du critère prix.

Le tribunal administratif de Versailles a effectivement estimé que cette méthode était de nature à neutraliser la pondération des critères de sélection des offres et avait conduit à ce que, au regard de l'ensemble des critères pondérés, l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie et que cette méthode de notation avait conduit à attribuer le marché à un candidat qui n'avait obtenu la meilleure note que sur ce seul sous-critère alors même qu'il ne représentait que 10 % de la note globale attribuée aux offres.

La cour administrative de Versailles considère que la façon de noter n’était pas en soi de nature à neutraliser la pondération des critères de sélection des offres dans la mesure où pour chacun des critères les offres étaient notées proportionnellement à l'écart constaté avec la meilleure offre. Il se trouve qu’en l’espèce, c’est la notation du sous-critère « pénalité » qui a fait la différence au regard d’offres assez proches. Comme l’indique la cour administrative de Versailles « la circonstance que la meilleure note globale soit attribuée au candidat dont l'offre a été la mieux notée seulement au regard d'un sous-critère qui ne représentait que 10 % de ladite note, n'est pas davantage de nature à faire regarder cette offre comme n'étant pas l'offre économiquement la plus avantageuse au regard de l'ensemble des critères pondérés. »

À l’occasion de l’appel, la société Savoie Frères a essayé d’attaquer l’utilisation même du sous-critère « pénalité », ce qui, il est vrai, est un critère assez surprenant.

La cour administrative de Versailles a cependant validé ce critère en indiquant que celui-ci « tend à mesurer la capacité technique de l'entreprise à respecter des délais d'exécution et n'est pas sans lien avec le critère de la valeur technique de l'offre ».

La proposition d’un montant de pénalité de retard par l’entreprise ne nous semble pas un moyen très pertinent d’en juger la capacité technique, mais admettons, la cour est cependant plus convaincante quand elle considère que le caractère éventuel de la pénalité ainsi que son atténuation possible par le juge ne font pas perdre, à ce critère, son caractère objectif et sa pertinence.

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