Légalité d’un avenant modifiant les règles de détermination du prix initial du marché

Par François Fourmeaux

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Alors que le prix d'un marché est réputé intangible et que toute modification, en cours d'exécution, de sa forme, de son montant ou de ses modalités de détermination est susceptible de remettre en cause les conditions de la mise en concurrence initiale, le Conseil d'État est venu apporter quelques nuances à cet état du droit.

Dans l’affaire ici commentée, un syndicat intercommunal avait attribué un marché de travaux de mise aux normes d'une usine d'incinération à un groupement d’entreprises, pour un montant initial de 13,7 millions d’euros, révisable dans les conditions prévues par les clauses particulières. Plusieurs avenants au marché ont été conclus, le dernier en date stipulant que « suite à cet avenant, le marché passe donc à un montant global ferme et définitif de 14 913 542 euros HT ».

Le mandataire du groupement a saisi le tribunal administratif, puis le juge d’appel, d’une demande de condamnation du syndicat au paiement de la somme de 2,5 millions d’euros au titre de la révision du prix du marché.

Le Conseil d’État déboute sa demande pour plusieurs raisons.

En premier lieu, il confirme le juge d’appel qui, aux termes d’un travail d’interprétation des clauses de l’avenant, avait retenu que celui-ci valait « renonciation aux stipulations antérieures relatives à la révision du prix et passage à un mécanisme de prix ferme ».

En deuxième lieu, le Conseil d’État considère que les dispositions de l’article 17 de l’ancien Code des marchés publics dans sa version applicable en l’espèce, « n'ont ni pour objet ni pour effet de faire par principe obstacle à ce que les parties à un marché conclu à prix définitif puissent convenir par avenant, en particulier lorsque l'exécution du marché approche de son terme, de modifier le mécanisme d'évolution du prix définitif pour passer d'un prix révisable à un prix ferme ».

Or, l’on retient traditionnellement que, hormis quelques situations bien connues (travaux supplémentaires, imprévision, sujétions techniques imprévues, etc.), « le prix contractualisé est intangible, ainsi que les conditions de son évolution prévue à la signature du contrat, et aucune des parties au contrat ne peut les modifier », de sorte qu’« un avenant qui insère ou modifie une clause de révision, une formule ou des index est illégal, car il a nécessairement pour effet de modifier les conditions de la mise en concurrence initiale » (ministère de l’Économie, « Le prix dans les marchés publics », avril 2013, § 6.1.1).

Le Conseil d’État tempère donc ici légèrement cette position, dans une solution qui reste cependant tout à la fois circonscrite (« passer d’un prix révisable à un prix ferme ») et circonstanciée (« en particulier lorsque l’exécution du marché approche de son terme »).

En troisième lieu, le Conseil d’État confirme le raisonnement de la cour administrative d’appel qui a considéré que « la modification des règles de détermination du prix initial ne constituait pas, par elle-même, un bouleversement de l'économie du marché ». Il relève en outre que l’avenant « a modifié le mécanisme de fixation des prix du marché, en fin d'exécution de celui-ci, dans un sens désavantageux à son titulaire » de sorte que la suppression de la clause de révision de prix « ne pouvait, eu égard à sa nature et à ses effets, être regardée comme ayant bouleversé l'économie générale du marché ». De fait, c’est davantage lorsque le montant du marché augmente substantiellement que la problématique du bouleversement de l’économie du contrat se pose à l’aune des conditions de mise en concurrence initiale.

En quatrième lieu, le Conseil d’État, renvoyant aux précautions qui auraient dû être prises par un « professionnel attentif », écarte les moyens tirés de l’existence de vices du consentement (dol et erreur) dont aurait été victime le groupement titulaire du marché.

En dernier lieu, le Conseil d’État juge que le mécanisme d’actualisation des prix prévu à l’article 17 de l’ancien Code, et aux termes duquel le prix est actualisé « si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date d'établissement du prix figurant dans le marché et la date d'effet de l'acte portant commencement d'exécution des prestations », n’est applicable qu’au contrat initial, et non aux avenants conclus par la suite.

Ensemble de solutions intéressantes, donc, et qui devraient pour l’essentiel être transposables au nouveau régime des marchés (D. n° 2016-360 du  25 mars 2016, art. 17 à 19).

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