Le silence gardé par l'administration valant acceptation : entre effet d'annonce et véritable révolution

Publié le

Le droit public français se prépare à un grand chambardement dont on ignore pourtant s'il s'agit d'un réel bouleversement de la règle de droit ou d'un puissant effet d’annonce : désormais le silence gardé par l’administration lors d’une demande d’un administré vaut acceptation de celle-ci. Cependant, à y regarder de plus près, la règle souffre nombre d’exceptions et, à l’image d’autres pans du droit, le principe en deviendrait presque l’exception.

Si toutes les branches du droit, ou presque, sont concernées par cette révolution copernicienne, le ministère de l’Économie et des Finances, par la voix de Laurent de Jekhowsky, évalue, pour sa part, à près de 150 le nombre de procédures des ministères économiques et financiers qui seront concernés par le principe d’acceptation, avec un délai soit de droit commun, soit dérogatoire, ce qui ne vient pas faciliter la tâche des administrations dans l’empilement byzantin des textes.

Les collectivités territoriales ont encore le temps de se préparer puisque la loi du 12 novembre 2013 ne s’applique qu’à partir du 12 novembre 2014 à l'État et ses établissements publics et du 12 novembre 2015 pour les collectivités territoriales. Par ailleurs, en ce qui concerne les marchés publics, il n’est pas évident que les choses aient changé, bien au contraire, la règle selon laquelle la décision individuelle qui n’aurait pas reçu de réponse dans les deux mois vaut rejet est toujours d'actualité. En tout état de cause, il y a fort à parier que les acteurs souhaitent toujours obtenir un document tangible sur lequel fonder leurs projets, comme en matière de permis de construire où le poids des investissements invite naturellement les acteurs à la prudence et donc à vouloir un document plutôt qu’un silence.

Quelques exemples illustrent la richesse de la matière : l’article R. 3211-16 du Code général de la propriété des personnes publiques relatif à l’inscription de terrains appartenant à l'État sur la liste des terrains destinés à être cédés pour y construire des logements est une décision acquise après quatre mois de silence au lieu de deux. Il en va de même pour l’inscription de terrains du domaine privé des établissements publics de l'État ou dont la gestion leur a été confiée par la loi sur la liste des terrains destinés à être cédés pour y construire des logements au titre de l’article R. 3211-32-4 du même code.

Mais l’article R. 2122-20 du Code général de la propriété des personnes publiques toujours, porte à 3 mois le délai à l’expiration duquel la décision de rejet est acquise pour les agréments de cession de titres d'occupation constitutifs de droits réels sur le domaine public de l'État ou encore les agréments de transmission de titres d'occupation constitutifs de droits réels sur le domaine public, tandis que le délai sera de 4 mois pour les agréments des contrats de crédit-bail pour le financement des ouvrages prévus par les titres d'occupation constitutifs de droits réels selon l’article R. 2122-27 dudit code.

Par conséquent, jusqu'à de plus amples précisions, la révolution copernicienne annoncée a tout l’air d’une révolution de palais.

Sources :