Le recours contentieux « peut » courir même sans mention précise dans le titre exécutoire

Par Laure Catel

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Toute créance d’une collectivité fait l’objet d’un titre exécutoire qui matérialise ses droits. Ainsi, les titres de recette doivent respecter un certain formalisme afin d’être opposables aux débiteurs de l’administration et, notamment, contenir des indications relatives aux délais et voies de recours comme le précise la circulaire relative à la forme et au contenu des pièces de recettes des collectivités territoriales et de leurs établissements du 21 mars 2011.

La circulaire rappelle ainsi les dispositions de l’article L. 1617-5 du Code général des collectivités territoriales qui dispose à son alinéa 2 que « L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite » ainsi que celles de l’article R. 421-5 du Code de justice administrative qui précise que « les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ».

Principe largement relayé par la jurisprudence. Le Conseil d’État a par exemple considéré, dans un arrêt du 30 juillet 2010, qu’en l’espèce les voies et délais de recours n'étaient pas indiqués sur les titres exécutoires ni dans leur lettre de notification même si certains titres portaient pourtant l'indication « vous pouvez contester la somme mentionnée en saisissant directement le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de la créance. À titre d'exemple : cantines scolaires : tribunal administratif / loyers d'habitation et charges locatives : tribunal d'instance » et que cette seule mention, qui ne précisait pas quelle était la juridiction compétente, n'avait pu faire courir les délais de recours.

Une décision du tribunal administratif de Limoges semble pourtant avoir récemment assoupli cette exigence dans le cadre d’un marché de travaux.

A ainsi été signé, en 2011, un marché de travaux en vue de la construction d’une unité de traitement de l’eau potable d’un captage entre une commune et un groupement d’entreprises. La réception des réserves est intervenue en janvier 2014. Ces dernières ont été levées en mars de la même année. Par suite, en mai 2014, le maire de la commune a émis un titre de recettes prenant en compte le montant des pénalités de retard infligées par la commune, diminué du coût des prestations supplémentaires réalisées par le titulaire. La société titulaire a alors demandé au tribunal administratif d’annuler le titre exécutoire et de la décharger de payer la somme demandée.

Le tribunal administratif rappelle d’abord le fondement juridique habituel posé par les articles L. 1617-5 du Code général des collectivités territoriales et R. 421-5 du Code de justice administrative et constate ensuite, qu’en l’espèce, au verso du titre de recettes, étaient mentionnées les deux indications d’ordre général suivantes :

  • « Dans le délai de deux mois suivant la notification du présent acte (CGCT, art. L. 1617-5), vous pouvez contester la somme mentionnée ci-dessus directement au tribunal judiciaire ou administratif compétent selon la nature de la créance » ;
  • plusieurs exemples de créances pour lesquelles on précisait la juridiction compétente sans que soient citées les créances, objet du titre exécutoire contesté.

Ce manque de précision concernant la juridiction à saisir a précédemment été sanctionné par le juge administratif qui considérait qu’à défaut d’une indication des voies de recours suffisamment claire pour qu'elle puisse être regardée comme conforme aux dispositions de l'article R. 421-5 du Code de justice administrative, les délais de recours n’étaient en conséquence pas opposables au redevable (CAA Marseille, 7 avr. 2008, n° 05MA01046).

Pour autant, le tribunal de Limoges a pris une décision moins tranchée en considérant que l’article 35 du CCAP (cahier des clauses administratives particulières), sur le fondement duquel a été signé le marché, mentionnait bien la compétence du tribunal administratif s’agissant des litiges pouvant naître de l’exécution des prestations, objet du marché. Et que cette clause, issue d’un document signé par le mandataire du groupement, mise en parallèle avec les éléments d’ordre général mentionnés dans le titre de recettes, était de nature à rendre les délais et voies de recours opposables à la société requérante.

Le recours de la société mandataire du groupement a donc finalement été rejeté pour cause de tardiveté dans la présentation des conclusions.

Cette décision est à prendre avec un peu de recul. Le juge ne souhaite pas bouleverser l’état actuel du droit en matière de mentions obligatoire dans les titres exécutoires mais plutôt pointer du doigt la mauvaise foi du mandataire requérant qui, compte-tenu des informations en sa possession et peut-être aussi de la taille de sa structure et donc des moyens dont elle dispose (le mandataire du groupement titulaire était la société Veolia eau-CGE et non pas une PME qui aurait pu se perdre dans les méandres du droit administratif), ne pouvait ignorer les délais et voies de recours applicables à son action en contestation du titre exécutoire émis par la commune. La décision du juge aurait donc pu être sensiblement différente et plus sévère à l’encontre de la commune qui, somme toute, n’a pas respecté les règles relatives aux mentions obligatoires qu’aurait dû revêtir son titre de recettes, si le requérant avait été une PME. Il n’en demeure pas moins que la « mauvaise foi » du titulaire peut être, si ce n’est sanctionnée, à tout le moins prise en considération par le juge administratif. 

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