Le paiement des prestations réalisées après le terme du marché public et la responsabilité du comptable public

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Le Conseil d’État, par un arrêt rendu le 22 février 2017, trace le contour de la responsabilité de l’agent comptable public dans le cadre de marchés publics. En l’espèce, le comptable public d’un grand port maritime était en charge du recouvrement d’unités fluviales, or la société ayant été mise en liquidation judiciaire n’a pas pu payer sa dette. Par ailleurs, l’établissement public a passé des marchés publics qui ont été payés par le comptable public alors que les prestations ont été faites après le terme des marchés.

La Cour des comptes intente alors une action contre le comptable public au motif qu’il a tout d’abord fait preuve de négligence dans le recouvrement des redevances d’unités fluviales. Selon la Cour, le comptable public aurait dû déclarer la situation de la société débitrice à l’établissement public. Ensuite, la Cour reproche au comptable public que les marchés publics n’auraient pas dû être payés car les prestations étaient intervenues alors que les marchés étaient arrivés à leurs termes. Le comptable public est donc condamné par la Cour des comptes à rembourser l’État sur ses deniers personnels.

Le ministre des Finances et des Comptes publics se pourvoit en cassation devant le Conseil d’État afin que la décision de la Cour des comptes soit annulée.

Par cet arrêt, le Conseil d’État affirme que si le régime de responsabilité de droit commun s’applique aux comptables publics, ces derniers sont également soumis à un régime de responsabilité spécifique à la profession. Ainsi, l’arrêt fait un rappel très précis des règles régissant la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics. Le juge de cassation commence par citer l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 dans sa rédaction issue de l’article 90 de la loi de finances rectificatives pour 2011 du 23 décembre 2011 qui met en œuvre le régime permettant de mettre en cause les comptables publics. La responsabilité du comptable public peut dès lors être recherchée, selon l’arrêt, si « un déficit ou un manquement en monnaie ou en valeur a été constaté, qu’une recette n’a pas été recouvrée, qu’une dépense a été irrégulièrement payée ». La responsabilité du comptable public sera ensuite plus ou moins engagée selon que le préjudice financier découlant de la faute. S’il y a présence d’un préjudice financier alors le comptable public devra rembourser sur ses propres deniers à la personne publique la somme équivalente au préjudice. À l’inverse, s’il n’y a pas de préjudice, il peut néanmoins être condamné par la Cour des comptes à une somme dont le montant maximal est fixé par décret en Conseil d’État.

En ce qui concerne les redevances d’unités fluviales, le Conseil d’État reconnaît, en l’espèce, que le comptable public est dans cette situation responsable du recouvrement de la créance. La haute juridiction affirme cependant qu’un certificat d’irrecouvrabilité émis par le mandataire judiciaire de la société peut permettre au comptable public de ne pas engager sa responsabilité.

La haute juridiction annule donc la décision de la Cour des comptes, car le comptable public, avec ce certificat, a bien prouvé que la dette de la société était irrécouvrable.

Puis, en ce qui concerne les marchés publics, le Conseil d’État annule là aussi la décision de la Cour des comptes au motif que les marchés publics étaient toujours actuels. En effet, la haute juridiction en constatant que des prestations prévues dans les contrats étaient toujours réalisées par les sociétés titulaires des marchés estime que le comptable public n’a pas causé de préjudice financier.  Le Conseil d’État affirme que la continuité des contrats est constatée dès lors que les parties signent un « avenant de régularisation, un nouveau contrat ou une convention de transaction ».

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