Le contrôleur technique ne peut participer à des activités de conception, d'exécution ou d'expertise d’ouvrage

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Dans la lignée de la jurisprudence du Conseil d’État, la cour administrative d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 10 avril 2012, a confirmé le jugement de première instance qui avait annulé un marché « d’étude et de pré-diagnostic énergétique du patrimoine bâti des lycées du département du Lot-et-Garonne », du fait de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 111-25 du Code de la construction et de l'habitation (CCH).

L’article L. 111-25 du CCH dispose que « l'activité de contrôle technique est soumise à agrément. Elle est incompatible avec l'exercice de toute activité de conception, d'exécution ou d'expertise d'un ouvrage. La décision d'agrément tient compte de la compétence technique et de la moralité professionnelle ».

Le Conseil d’État, dans une décision du 18 juin 2010 (Bureau Veritas, n° 336418), avait déjà précisé que cette interdiction formulée par l’article L. 111-25 du Code de la construction et de l'habitation ne viole pas le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, tout simplement parce que la conformité à la constitution de cet article de loi n’avait pas été remise en cause par les parties.

Les dispositions de cet article sont par ailleurs tout à fait conformes au droit européen : en effet, si selon l’article 25 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, relative au marché intérieur, « les États membres veillent à ce que les prestataires ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l’exercice conjoint ou en partenariat d’activités différentes ». Ce même article reconnait aux États membres le pouvoir de soumettre les contrôleurs techniques à de telles exigences, dans la mesure où celles-ci « sont justifiées pour garantir leur indépendance et leur impartialité ».

La cour d’appel a, quant à elle, rappelé que si le diagnostic technique ne pouvait être considéré comme une activité de conception, d’exécution ou d’expertise d’un ouvrage, l’analyse du marché démontre que « l’objet du marché litigieux porte notamment sur l’élaboration de préconisations techniques relatives à la modification ou au remplacement d’un ou plusieurs équipement particulier ».

Or, la fourniture de solutions techniques et de préconisations est à considérer comme susceptible de faire naître un éventuel conflit d’intérêt. Et c’est justement ce risque de conflit d’intérêt qui justifie la limitation des activités pouvant être réalisées par les contrôleurs techniques, comme l'indique en ce sens l’article 25 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 précité, et l’article R. 111-31 du Code de la construction et de l’habitation, cité dans l’arrêt de la cour administrative d’appel : « Les personnes et organismes agréés, les administrateurs ou gérants et le personnel de direction de ces organismes, ainsi que le personnel auquel il est fait appel pour les contrôles, doivent agir avec impartialité et n'avoir aucun lien de nature à porter atteinte à leur indépendance avec les personnes, organismes, sociétés ou entreprises qui exercent une activité de conception, d'exécution ou d'expertise dans le domaine de la construction ».

La cour d’appel a enfin rappelé que le fait que le seul membre du groupement n’ayant pas les accréditations de contrôleur technique soit celui qui élabore les préconisations techniques ne suffit pas à garantir le respect des dispositions des articles L. 111-25 et R. 111-31 du Code de la construction et de l'habitation.

Cet arrêt, qui n'est pourtant qu'une stricte application de la législation, a réjouit la Chambre de l’Ingénierie et du Conseil de France (CICF), qui considère qu'en méconnaissance de la loi, du fait des pouvoirs adjudicateurs comme des soumissionnaires, les bureaux de contrôle répondent (et remportent) des marchés contenant des missions de conception.

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