La cohérence renforcée de la définition des sous-critères de sélection

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La jurisprudence administrative n’en finit pas de préciser les conditions de qualification de critères ou de sous-critères de sélection des offres. Même si celle-ci peut sembler erratique, elle présente pourtant une cohérence remarquable. Le dernier arrêt en date est celui rendu par le Conseil d’État le 25 mars dernier.

Un office de logements sociaux avait lancé une procédure d’appel d’offres pour un marché à bons de commande de travaux d’entretien de ses bâtiments. La sélection des offres était fondée notamment sur un critère de prix, apprécié à hauteur de 80 % pour le montant total du bordereau et à hauteur de 20 % pour le rabais consenti par les candidats sur le prix public des matériaux non identifiés dans le bordereau. Un candidat évincé saisit le juge du référé précontractuel. Il allègue un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence en cela que l’appréciation du critère de prix, en étant pondéré, est un sous-critère assimilable à un critère. Le juge du référé donne raison au candidat évincé et annule la procédure de passation.

Le candidat retenu comme l’office public contestent cette décision devant le Conseil d’État. Celui-ci casse la décision du juge des référés pour mauvaise qualification juridique : le montant total du bordereau et le montant de la remise sont des « éléments d'appréciation pour la notation d'un seul critère de prix ».

À première vue, la solution est étonnante. Dans l’arrêt Commune de Saint-Pal-de-Mons, le Conseil d’État avait bien indiqué que dans la mesure où, pour sélectionner l’offre, le pouvoir adjudicateur met en œuvre des sous-critères pondérés ou hiérarchisés qui sont de nature ou d’importance telle que cela a un effet sur la sélection de l’offre retenue, alors ces sous-critères et leur pondération ou hiérarchisation doivent être portés à la connaissance des candidats.

En l’espèce, le pouvoir adjudicateur avait bien utilisé des modalités de sélection des offres pondérées, ce qui a conduit d’ailleurs le juge du référé à les considérer comme des sous-critères assimilable à des critères.

Mais il faut lire la jurisprudence du Conseil d’État comme une analyse matérielle et finaliste.

Matérielle car sont considérées comme des sous-critères les modalités de sélection d’une offre qui sont désignées ainsi. Si le pouvoir adjudicateur n’utilise pas ouvertement le terme « sous-critère », il ne peut lui en être porté rigueur, comme la cour d’appel de Nantes l’a d’ailleurs souligné récemment (CAA Nantes,19 octobre 2012, TTC Productions, n° 10NT02700).

Finaliste ensuite, car il faut que la modalité d’évaluation soit d’une nature ou d’une importance qui a un effet sur la sélection ou non de l’offre. En l’espèce, le juge souligne que la pondération à 80 % pour le montant total du bordereau et de 20 % pour le rabais « ne manifesta[it] pas l'intention du pouvoir adjudicateur d'accorder à l'un d'entre eux une importance particulière ». Il s'agit donc pour le juge de modalités d’appréciation du prix, et non des sous-critères du critère du prix. À ce titre, elles ne sont pas soumises à l’obligation de publicité. Pour bien des observateurs, le fait que le juge ne considère pas une pondération de 80 % et de 20 % comme importante et ayant une influence sur la sélection de l'offre est très criticable.

Mais le juge suprême ne se trompe évidemment pas. D'une part, car, comme il le souligne dans l'arrêt, la pondération n'était pas indiquée dans l'avis d'appel public à la concurrence, ce qui témoignait d'une modalité d'appréciation et non d'un sous-critère. D'autre part, le Conseil d'État considère que cette pondération n'a pas pour but de sélectionner une offre mais d'établir son prix ! En substance, en établissant le prix, le pouvoir adjudicateur apprécie l'offre mais ne la sélectionne pas.

Le Conseil d'État consolide ainsi la solution de l'arrêt Commune de Saint-Pal-de-Mons : le pouvoir adjudicateur n'a pas à préciser plus que de besoin les critères de sélection. Il peut les expliquer, sans pour autant prendre la peine d'en dévoiler tous les rouages.

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