La clause Molière est définitivement illégale

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Avant que la polémique ne continue à prendre de l’ampleur, le gouvernement a voulu trancher fermement le débat : les clauses Molière « sont illégales ». C’est ce qui résulte de l’instruction interministérielle du 27 avril 2017, relative aux délibérations et actes des collectivités territoriales imposant l’usage du français dans les conditions d’exécution des marchés, laquelle fait injonction aux préfets de faire remonter les clauses de ce type dont ils auraient à connaître ainsi que les suites qu’ils y donneront.

Au préalable, l’instruction rappelle les grandes lignes de l’état du droit en matière de travail détaché, à savoir l’illégalité de principe pour les acheteurs publics d’interdire le recours à des travailleurs détachés, la prohibition de toute discrimination directe ou indirecte à l’égard des opérateurs économiques et des travailleurs des autres États membres et, enfin, l’existence d’un « noyau dur » de droits dont sont titulaires les travailleurs détachés et qui constituent un arsenal de lutte contre le travail illégal.

Ce cadre posé, l’instruction relève que l’obligation posée à l’article L. 5221-3 du Code du travail d’attester d’une connaissance suffisante de la langue française pour les travailleurs étrangers ne s’applique pas aux étrangers ne souhaitant pas s’installer durablement en France, ni aux travailleurs détachés, de sorte que les collectivités ne sauraient instaurer un régime plus strict que celui posé par le législateur. De plus, l’instruction rappelle les récentes obligations supplémentaires pesant sur les maîtres d’ouvrage ayant recours à du personnel détaché. Ainsi, l’article L. 1262-4-5 du Code du travail introduit par la « loi Travail » du 8 août 2016 dispose que sur les grands chantiers de bâtiments, le maître d’ouvrage est tenu de porter « à la connaissance des salariés détachés, par voie d’affichage sur les lieux de travail, les informations sur la réglementation qui leur est applicable […] ». Et, hasard ou non du calendrier, l’instruction interministérielle est parue quelques jours seulement avant la publication du décret du 5 mai 2017, relatif au renforcement des règles visant à lutter contre les prestations de services internationales illégales. Celui-ci introduit l’article D. 1263-21 au Code du travail qui dispose que « l’affiche mentionnée à l’article L. 1262-4-5 présente les informations sur la réglementation française de droit du travail applicable aux salariés détachés en France en matière de durée du travail, de salaire minimum, d’hébergement, de prévention des chutes de hauteur, d’équipements individuels obligatoires et d’existence d’un droit de retrait », et que ces informations sont « traduites dans l’une des langues officielles parlées dans chacun des États d’appartenance des salariés détachés sur le chantier ». Pour le gouvernement, donc, il suffit de s’en tenir au droit national pour constater que la clause Molière est illégale à plusieurs titres. Et même le souci de favoriser l’accès des PME à la commande publique ne pourrait lui conférer une quelconque assise juridique. Seul tempérament admis : une clause Molière « ne peut être licite, par exception, que si elle est en lien avec l’objet du marché public ou du contrat de concession et nécessaire à son exécution. Tel pourrait être le cas par exemple d’une clause imposant la maîtrise du français dans le cadre de certaines prestations de formation ». Mais, pour le reste, cette clause est synonyme de discrimination, voire de détournement de pouvoir « si le but avéré de ces actes était d’accorder la priorité aux entreprises locales ou d’exclure des travailleurs étrangers et non la bonne exécution du marché public ou du contrat de concession ». La vigilance s’impose donc aux acteurs locaux, avant que, peut-être, le Conseil d’État ne soit saisi un jour de la question. Sources :