La caution solidaire et personnelle d'une banque doit couvrir l'ensemble de la dette du titulaire

Publié le

La caution personnelle et solidaire est une obligation accessoire de l’obligation d’un marché public et son litige est ainsi soumis au juge administratif. Le Conseil d’État vient de préciser une question encore inédite, à l’occasion d’un cas d’espèce très particulier car touchant au droit des marchés publics en Nouvelle-Calédonie.

En effet, le titulaire d’un marché public de travaux passé avec la province néo-calédonienne des Îles Loyauté avait commis des malfaçons qui ont conduit le pouvoir adjudicateur à résilier le contrat aux torts du titulaire et à lui demander le paiement d’indemnités, ce qui fut confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Paris. Le titulaire avait conclu un accord de « cautionnement de retenue de garantie » avec la Banque calédonienne d’investissement. Conformément à cet acte, le pouvoir adjudicateur demande le paiement non au titulaire mais à la banque. Refusant de payer, la banque voit son obligation être reconnue par le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en première instance, puis par la cour d’appel de Paris.

Le pourvoi en cassation est fondé sur deux arguments. Le premier concerne la limitation du montant de garantie auquel est soumise la banque, le second vise à solidariser la caution de la situation de l’entreprise cautionnée.

Pour le Conseil d’État, le montant de la caution solidaire doit répondre à l’obligation contractuelle passée entre les parties à la convention de cautionnement. En l’espèce, le fait que la banque tentait d’opposer une limitation à hauteur de 5 %, comme cela est indiqué dans l'article 77 de la délibération du Congrès de Nouvelle-Calédonie du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics. Or, sans le dire explicitement, le Conseil d’État reconnait, comme avaient pu le faire les juges du fond, le principe de liberté contractuelle dans cette matière. Le document « dénommé " cautionnement de retenue de garantie " », qui stipule que « la société Banque calédonienne d'investissement s'était portée caution solidaire du titulaire du marché pour le montant de la retenue de garantie à laquelle celui-ci pouvait être assujetti », fonde une obligation d’assumer la totalité de la réparation que le titulaire doit payer au pouvoir adjudicateur. Cette position est classique et déjà affirmée, notamment dans l’arrêt du Conseil d’État Caisse Franco-Néerlandaise de Cautionnement du 30 décembre 1998, selon laquelle les cautionnements « personnel[s] et solidaire[s] couvre[nt], à concurrence de leur montant, l'ensemble des dettes contractuelles nées du marché ».

En statuant de cette manière, le Conseil d’État s’introduit pour autant dans le domaine contractuel entre deux personnes privées ! Il pourrait sembler qu’il n’a pas la compétence de le faire. Or, comme le relève le juge suprême de l’administration, si la caution solidaire est indépendante de la situation du titulaire (car étant l’obligation d’une personne morale distincte), elle est liée à l’obligation née du marché. La Banque n’est pas un tiers absolu au marché : elle est la débitrice d’une obligation accessoire (et conditionnelle). Or, les contrats de travaux publics, et les marchés publics, font partie du bloc de compétence de la juridiction administrative.

Reste à déterminer la portée de cet arrêt. Il est vrai qu’il s’applique à une espèce particulière car ayant lieu en Nouvelle-Calédonie, territoire d’outre-mer à régime très particulier et dont les marchés publics ne sont pas soumis aux règles du Code des marchés publics mais à une délibération de 1967 du congrès local. Pour autant, la clarté du raisonnement du Conseil d’État, concernant aussi bien la reconnaissance de sa compétence que la dette accessoire au contrat pour la caution personnelle et solidaire, et la mention aux tables, font de cet arrêt une décision à retenir pour tous les marchés.

Sources :