Jusqu'où va l'obligation de conseil du maître d'œuvre ?

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En cas de désordres affectant la structure d’un ouvrage, la question de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre qui n’aurait émis aucune réserve au moment de la réception des travaux se pose légitimement. Toutefois, comme le montre la cour administrative d'appel de Nantes, pareille responsabilité ne saurait être engagée dès lors que le maître d’œuvre n’a commis aucun manquement à son obligation de conseil.

En l’espèce, la commune d’Ouilly-le-Vicomte avait passé un marché public de travaux relatif à la construction d’un centre de loisir. Quelques années après la réception des travaux, plusieurs désordres affectant la structure de l’ouvrage étaient cependant apparus. La commune saisit donc le tribunal administratif de Caen afin d’engager la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre qui, selon elle, avait manqué à son obligation de conseil au moment de la réception des travaux. Effectivement, ce dernier n’avait alors pas émis de réserves concernant d’éventuels vices de conception de l’ouvrage. Le moyen ne convainquit cependant pas le juge administratif de premier degré qui rejeta la demande de la commune. Cette dernière décida alors d’interjeter appel.

L’initiative fût cependant vaine puisque la cour administrative d’appel de Nantes rejeta également la demande présentée par la commune. En effet, si la responsabilité du maître d’œuvre peut être recherchée en cas de défaillance dans sa mission de conseil du maître d’ouvrage lors de la réception des travaux, aucun manquement de la sorte ne pouvait être imputé au maître d’œuvre en l’espèce. Dans cette perspective, le juge administratif d’appel relève que les désordres en cause étaient apparus près de deux ans après la réception des travaux, et, qu’à cette date, aucun indice ne permettait de les prévoir. Dès lors, la commune d’Ouilly-le-Vicomte n’était pas fondé à demander réparation de ces désordres sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre pour défaut de conseil.

Il importe ainsi de rappeler que l’obligation de conseil du maître d’œuvre ne porte que sur les désordres apparents au moment de la réception des travaux (CE, 8 juin 2005, Ville de Caen, no 261478), ou du moins de ceux dont le maître d’œuvre aurait pu avoir connaissance en cours de chantier (CE, 28 janv. 2011, Société Cabinet d’études Marc Merlin et autres, no 330693). Ainsi, même en cas réception sans réserve des travaux par le maître d’œuvre, il est important de s’assurer que celui-ci a été en mesure d’identifier les malfaçons en cause afin de pouvoir engager sa responsabilité contractuelle.

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