Jusqu’où aller dans les spécifications techniques ?

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Selon les termes du IV de l’article 6 du Code des marchés publics, les spécifications techniques d’un marché public ne peuvent en principe se référer à un mode ou procédé de fabrication particulier, à une provenance ou une origine déterminée, ni faire mention d’une marque ou d’un brevet dès lors qu’une telle mention ou référence aurait pour effet de favoriser, voire d’éliminer, certains opérateurs économiques ou certains produits. Il en va effectivement du principe d’égalité d’accès à la commande publique !  Comme l’illustre cette décision rendue par le Conseil d’État le 10 février dernier, il demeure toutefois possible de faire échec à cette règle dès lors qu’une telle mention ou référence est notamment justifiée par l’objet du marché.

En l’espèce, la commune de Bondy avait attribué aux sociétés Jean Lefebvre et SMC2 un marché public de travaux relatif à la construction d’une halle de sports couverte. La société ACS Production, candidate évincée au terme de la passation du marché, avait alors saisi le tribunal administratif de Montreuil afin d’obtenir l’annulation du contrat et l’indemnisation de son préjudice résultant de son éviction. Suite au rejet de ses demandes en première instance, celle-ci interjeta appel et obtint satisfaction, du moins en ce qui concerne ses conclusions à fin d’annulation du marché. En effet, selon la cour administrative d’appel de Paris, la commune de Bondy avait méconnu l’article 6 du Code des marchés publics en imposant le recours à une technique de fixation, dite « par profilés métalliques », dont le brevet appartenait à l’une des sociétés attributaires du marché. Cette solution, comme on peut l’imaginer, ne satisfit pas les sociétés Jean Lefebvre et SMC2 qui choisirent de se pourvoir en cassation devant la haute juridiction administrative.

L’initiative ne fût pas vaine puisque le Conseil d’État annula l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Paris. En effet, conformément aux dispositions de l’article 6 du Code des marchés publics, les spécifications techniques définies par la commune de Bondy répondaient au besoin d’assurer le meilleur vieillissement possible de la couverture de l’ouvrage envisagé et, par voie de conséquence, de limiter les opérations de maintenance inhérentes à l’usage d’autres techniques de fixation que celle par profilés métalliques dont le brevet appartenait à la société SMC2. Dès lors, ces spécifications techniques étaient bien justifiées par l’objet même du marché en dépit de leur caractère restrictif !

Par ailleurs, la solution aurait sans doute été différente pour le candidat évincé si celui-ci avait démontré que son offre, bien que non conforme aux spécifications techniques établies par la commune de Bondy, proposait des solutions équivalentes à la technique de fixation par profilés métalliques. En effet, le V de l’article 6 du code interdit aux acheteurs publics de rejeter une offre au motif qu’elle ne serait pas conforme aux spécifications techniques du marché alors même que cette offre respectait de manière équivalente ces spécifications...

Cette décision rendue par la haute juridiction administrative rappelle donc aux acheteurs publics les latitudes dont ils disposent au moment d’établir les spécifications techniques de leurs marchés.

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