Injonction du juge des référés : savoir l'éviter pour ne pas lancer un marché de travaux

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Avant même de lancer une procédure de passation de marché public, un personne publique peut éviter des coûts inconsidérés… en refusant de lancer le marché en question ! C'est ce qu'il ressort d'un arrêt du Conseil d'État du 2 octobre 2013.

Tel est le cas notamment des marchés passés à la suite d’une obligation d’intervention d’une commune, sur la demande d’administrés. Une illustration valant mieux que de longues explications, le cas d’espèce soumis au Conseil d’État en octobre dernier est précieux.

Une entreprise craignant pour son patrimoine immobilier a demandé à sa commune de réaliser, à ses frais, des travaux de soutènement de deux rues. Face au refus de l’administration, l’entreprise a saisi le juge du référé conservatoire, afin que celui-ci enjoigne l’administration de mettre en œuvre des travaux. Pour accéder à une telle demande, trois conditions doivent être réunies. Tout d'abord, la demande doit avoir pour objet de prévenir ou faire cesser un dommage dont l'imputabilité à des travaux publics ou à un ouvrage public ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Ensuite, la demande ne doit pas avoir pour objet ou pour effet de faire obstacle à l'exécution d'une décision administrative. Enfin, elle doit être motivée par un caractère d’urgence.

Pour le juge du référé, en première instance, la demande de l’entreprise n’était fondée sur aucun de ces critères. Le Conseil d’État lui donne tort sur deux d’entre eux, ce qui permet de préciser l’office du juge du référé conservatoire, mais aussi d’éclairer les personnes publiques sur les menaces qui pèsent du fait de ce type de recours.

Le juge des référés a en effet refusé d’enjoindre la collectivité à mener les travaux en expliquant que cela ne pourrait avoir lieu « autrement qu'avec des moyens lourds et coûteux qui ne sauraient revêtir le caractère provisoire que peut seule présenter une décision du juge des référés ». Pour le Conseil d’État, le caractère conservatoire de la mesure prononcée ne se déduit pas des moyens financiers et techniques mis en œuvre.

Le juge avait également refusé d’accéder à la demande de l’entreprise, au motif qu'elle allait à l’encontre d’une décision administrative : celle de « ne pas donner suite à la procédure de passation d'un marché public qu'elle avait engagée en vue de la réalisation de travaux de soutènement des deux rues ». Or, les travaux demandés visaient à prévenir des dommages imputables à un ouvrage public, ce qui dépasse la portée de la décision de refuser d’entamer un marché de travaux, affirme le Conseil d’État.

Dès lors, un administré peut très bien demander à une personne publique, par le juge du référé conservatoire, de mener de tels travaux !

La personne publique échappe à une injonction pour une seule raison : la demande de l’administré n’était pas revêtue du caractère d’urgence, car le risque de dommage n’était pas établi.

Au-delà de révéler les risques financiers que comporte une injonction du juge des référés, cet arrêt, par sa clarté, souligne les moyens de défense que peuvent utiliser les personnes publiques : en l’absence de caractère urgent, il est inutile de lancer un marché de travaux sur demande de l’administré !

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