Détermination du besoin

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Si elle relève du pouvoir discrétionnaire de l’acheteur public (CE, 10 avril 2015, Centre hospitalier territorial de Nouvelle-Calédonie, req. n°386912), la détermination du besoin dans le cadre de la préparation d’un marché public ne doit pas pour autant être réalisée de manière farfelue, sous peine d’entacher d’irrégularité la procédure. Reprenant la règle déjà posée à l’article 5 du Code des marchés publics, l’article 30 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics impose en effet que la nature et l’étendue des besoins à satisfaire soient déterminées avec précision.

Pareille règle semble d’ailleurs d’autant plus justifiée que, conformément à l’article 45 du Code des marchés publics, les acheteurs publics peuvent exiger des candidats des niveaux minimums de capacité, et notamment en terme de chiffre d’affaires qui, depuis le décret n° 2014-1087 du 26 septembre 2014 portant mesures de simplification applicables aux marchés publics, ne peut être supérieur à deux fois montant du marché sauf justifications liées à l’objet ou aux conditions d’exécution du marché. Une mauvaise évaluation du montant prévisionnel du marché pourrait ainsi conduire, dans l’hypothèse où l’acheteur imposerait un chiffre d’affaires minimal exigible, à l’éviction de candidats alors même que ceux-ci aurait la capacité économique et financière pour l’exécution du marché…

Là n’est bien évidemment pas la seule justification possible – il suffit pas exemple de penser au respect des seuils de procédure pour s’en convaincre – mais c’est justement qu’a illustré, et ce à la manière d’un cas d’école, la décision rendue le 13 juin 2016 par le Conseil d’État.

En l’espèce, la préfecture de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie avait lancé une consultation dans le cadre de la passation d’un marché d’études d’aménagement foncier dont le montant prévisionnel était estimé à 200 000 euros. En vertu de l’article 45 du code des marchés publics, la préfecture imposait un chiffre d’affaires minimal de 400 000 euros pour les entreprises qui souhaiteraient se porter candidates. La société Lattitudes avait ainsi vu sa candidature rejetée comme irrégulière au motif que celle-ci n’avait pas présenté un chiffre d’affaires suffisant dans le domaine objet des prestations du marché. Celle-ci avait alors saisi le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens afin d’obtenir la suspension de la procédure de passation du marché.

Tirant les conséquences d’une application stricte du règlement de consultation, celui-ci rejeta le recours en estimant que cette société n’avait effectivement pas présenté un chiffre d’affaires égale ou supérieur à 400 000 euros dans le domaine afférant aux prestations du marché. Tel ne fût cependant pas l’avis du Conseil d’Etat qui invalida cette analyse.

Après avoir constaté le décalage significatif existant entre les offres des candidats et le montant prévisionnel du marché, la haute juridiction administrative en déduit une erreur manifeste d’appréciation de la préfecture dans la détermination de son besoin, celle-ci ayant été effectuée de manière trop imprécise. Comme le relève le Conseil d’État, la solution aurait sans doute été différente si la préfecture avait démontré que ces offres étaient anormalement basses, sous réserve toutefois qu’une procédure de vérification et, le cas échéant, d’éviction ait été réalisé au cours de leur examen.

A (re)lire :

  • "Montant prévisionnel du marché et chiffre d'affaires exigé des candidats : les liaisons dangereuses", La lettre Légibase Marchés publics n° 157