Décrets « JADE » et relatif à l’utilisation des téléprocédures devant les juridictions administratives

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Deux décrets du 2 novembre 2016 apportent aux procédures judiciaires administratives des modifications substantielles. Le premier, portant modification de la partie réglementaire du Code de justice administrative (CJA), est l’aboutissement de réflexions présentées en novembre 2015 au Conseil d’État par un groupe de travail œuvrant « pour la justice administrative de demain ». Il donne ainsi son surnom au décret « JADE », qui comporte quelques mesures clarifiant des dispositions relatives aux litiges en matière de contrat de la commande publique. Le second, relatif à l’utilisation des téléprocédures devant les juridictions administratives, oblige notamment le recours à l’application Télérecours dès l’année prochaine. Revue des dispositions essentielles qui s’appliqueront à partir du 1er janvier 2017.

Obligation de contestation d’une décision de l’administration (CJA, art. R. 421-1)

Toute demande au juge administratif, qu’elle soit par exemple en vue de faire annuler un contrat ou d’obtenir une indemnité, doit avoir pour objet de contester une décision de l’administration. Cette règle dite de liaison préalable du contentieux était jusqu’à présent obligatoire, sauf en matière de travaux publics. L’article R. 421-1 tel que modifié par le décret « JADE » ne permettra plus cette exception et le juge devra donc systématiquement se prononcer sur une décision de l’administration en matière de travaux publics.

Les demandes indemnitaires ne pourront de plus être formulées devant le juge que si une décision implicite ou explicite de l’administration a été prise sur une demande préalable de l’intéressé. La demande pouvait auparavant être reçue par le juge même après l’introduction du recours contentieux (CE, 11 avril 2008, Établissement Français du Sang, no 281374).

Décision de rejet (CJA, art. R. 421-3) et recours abusif (CJA, art. R. 741-12)

Une décision expresse de rejet d’une demande ne sera plus exigée en matière de plein contentieux, et ne conditionnera donc plus le délai de deux mois dans lequel l’intéressé peut saisir la juridiction administrative. Par conséquent, une simple absence de réponse de l’administration à une demande pendant deux mois suffira à tout intéressé pour saisir le juge.

Le montant maximal de l’amende pour recours abusif, estimé peu persuasif, sera porté de 3 000 à 10 000 euros.

Pas d’appel… sauf en matière de commande publique (CJA, art. R. 811-1)

L’intéressé pourra se pourvoir devant les cours administratives d’appel et le Conseil d’État s’il estime que la suite donnée par le tribunal administratif à sa demande indemnitaire ne lui convient pas, quel qu’en soit le montant. En matière de commande publique, l’appel d’un jugement du tribunal administratif était impossible lorsque le montant d’une telle demande était inférieur à 10 000 euros.

Compétence territoriale du tribunal administratif (CJA, art. R. 321-11)

Alors qu’elle n’était prévue qu’en matière contractuelle et quasi-contractuelle, la compétence du tribunal administratif sera également déterminée en matière précontractuelle. La compétence du juge sera désormais retenue non plus seulement selon le lieu d’exécution du contrat, mais selon le lieu prévu pour cette exécution, englobant ainsi le cas d’une contestation avant signature du contrat.

Obligation d’inscription à Télérecours (CJA, art. R. 414-1 à R. 414-5)

Les avocats, les administrations autres que les communes de moins de 3 500 habitants, ainsi que les organismes de droit privé chargé de la gestion permanente d’un service public, devront nécessairement adresser l’ensemble de leurs requêtes au juge par voie électronique « au moyen d’une application informatique dédiée accessible par le réseau internet », et ce à partir du 1er janvier 2017. L’exception à cette obligation est la possibilité de transmission de certaines pièces sur support papier si leurs caractéristiques font obstacle à leur communication par voie électronique.

Pour les réticents à l’utilisation de cette application surnommée « Télérecours » – 28 % des requêtes devant les tribunaux et 20 % des requêtes devant les cours sont encore transmises en papier  –, qu’ils se rassurent : l’application garantit déjà « la fiabilité de l’identification des parties ou de leur mandataire, l’intégrité des documents adressés ainsi que la sécurité et la confidentialité des échanges entre les parties et la juridiction ». L’irrecevabilité de leur requête achèvera certainement de les convaincre.

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